Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Eléments de conversation pour briller en société
26 octobre 2021

Journalisme : stéréotype ou stéréotype ?

atlas_2081685

Journalisme : stéréotype ou stéréotype ?

 Journalisme : cliché et préjugé sont dans un bateau. L’un des deux tombe à l’eau. Qui reste-t-il ? Une lecture de l’ Atlas des femmes (Le Monde, La Vie Hors-série/ octobre 2021)

L’avant-propos  du magazine mérite d’être rappelé : « Les rédactions de La Vie et du Monde ont voulu dresser un  tableau le plus fidèle possible de la condition féminine en traversant les âges et les continents… Un portrait … fait de mots d’expertes… Un tableau d’où seraient bannis certains stéréotypes ». 

On verra que, quand information et idéologie se mêlent, un stéréotype chasse l’autre …

 Cet Atlas parcourt le monde, dresse un état des lieux qui se veut objectif. Mais au fil des pages, on se rend compte que la situation -bien réelle- des femmes a toujours les mêmes causes, bien connues. Et que d’autres sont bêtement « oubliées ».

 Les accusés sont bien présents et le silence couvre les Absents.

 

 Les accusés

 Le principal accusé, dont la critique revient, parfois sans être lié au thème présenté est bien sûr la France. Tout est bon pour l’incriminer. Elle condense toutes les tares de l’oppression des femmes.

 L’article intitulé « Et le XIXè s. invente la femme au foyer » ( p.108) est malgré l’illustration d’une ménagère américaine, presque entièrement consacré à la France.

Le titre est une approximation abusive que renforce le sous-titre : « Née avec la révolution industrielle, la convention sociale qui assigne les femmes à domicile, au service du bien-être de la famille, est une création purement masculine […]». 

Les femmes se sont toujours occupées de la gestion du foyer, des travaux domestiques, de la surveillance des enfants, des soins aux parents âgés, en plus des travaux des champs, de la vente des produits de la ferme au marché. 

Le  XIXème  siècle n’a pas été pour elles un âge d’or dans la quiétude du foyer et les femmes auraient sans doute  été ravies de ne pas connaître la vie en usine comme l’écrit  Michelle Perrot ( Mon Histoire des femmes, chap. IV) !

 « A Mulhouse, en 1838, le docteur Villermé les voit en tristes cortèges à l’entrée des fabriques, souvent escortées de leurs enfants ». Les ouvriers étaient d’ailleurs très suspicieux devant l’arrivée des femmes sur le marché du travail et un syndicaliste en 1867  trace les limites : « A l’homme, le bois et le métal. A la femme, la famille et les tissus ». Et voilà pourquoi les ouvrières peuplent les usines textiles. 

 Peu  importe la réalité  il est toujours bon d’accuser ce XIXème siècle où s’originent la colonisation,  le capitaliindustriel, les nationalismes (européens).

On ajoutera deux informations. Ce siècle est aussi celui de la création d’écoles primaires pour filles grâce à Victor Duruy,  qui, par la loi de 1867, oblige les communes de plus de 500 habitants à leur ouvrir un lieu d’étude. A ce propos, on peut cliquer sur ce lien.

 Par ailleurs, le XIXème siècle, à la suite de la révolution de 1789, mène une lutte législative  et juridique constante  pour que le viol cesse d’être ce qu’il a toujours été : une banalité quotidienne. Dès les années 1860 apparaissent  les notions de traumatisme psychologique et celle de consentement. Et les magistrats ( des bourgeois !!!) sont attentifs à ce que les lois soient appliquées par les jurys populaires, parfois trop sensibles à l’inquiétude de l’accusé !

 Lire « Le viol entre la coutume et la Loi » 

 

 Un article est consacré aux  « Françaises à la conquête du plaisir sans tabou » (p. 100). Le sous-titre affirme que, dans ce pays, « certains préjugés subsistent ». 

Mais, visiblement, la rédactrice de l’article a peiné à trouver des arguments de poids pour alimenter le sous-titre. Après avoir rappelé l’importance des  « lois libératrices » ( contraception, IVG), que le viol est désormais considéré comme un crime depuis 1980, que le viol conjugal est puni par la loi ( Code pénal 222-24, 11) depuis 1992,  et conclu que la « libération est de plus en plus manifeste »,  on s’attend au choc d’arguments massifs qui mettraient en évidence les « préjugés » en question. 

Et, à bout de forces, semble-t-il, elle rappelle que les femmes se distinguent des hommes en subordonnant le sexe à la présence d’un sentiment amoureux. 

Ah ! C’est un peu court, quand même.

L’article se clôt sur le consentent sexuel qui est aujourd’hui en question. A propos de ce dernier point, on sent un brin d’ironie : « On entend même dire que le Prince n’aurait pas dû embrasser Blanche-Neige, ni la Belle au bois dormant, car elles n’avaient pas donné leur consentement ».

 Sur ce sujet, on peut lire «  « Cancel culture :Blanche-Neige, Metoo et Léon Trotsky. 

 

A propos des  féminicides , l’article est chapeauté par un sous-titre qui parle d’un « crime sans frontières ».  Certes, mais certains pays manifestement méritent d’être plus accusés que d’autres.

Ainsi, seul le cas de la  France est illustré d’un graphique dont la légende est « 122 tuées par an correspond à une femme tous les 3 jours ». Le corps du sujet est constitué de cartes qui permettent quand même de savoir que l’Europe a un taux de féminicides de 0,3/100 000, et l’Afrique de 3,1 ( 10 fois supérieur…). 

C’était juste pour dire .

 

Le mariage, est le lieu de toutes les inégalités  (p.110) L’auteur dégage 15 points de discrimination entre mari et femme : possibilité de voyager seule, d’occuper un emploi, d’ouvrir un compte bancaire, etc. 

Le deuxième paragraphe est intitulé « Une étude mondiale des inégalités » et commence par cette question : « Où en est-on aujourd’hui (je souligne)? ». Apparemment, l’auteur est embarrassé pour examiner le cas français, aujourd’hui

Et l’examen des quinze points évoqués donne lieu à cette remarque dont on appréciera la pertinence historique : « La France de 1804 en aurait obtenu 15, alors qu’aujourd’hui les pays en comptent entre 0 et 11 […] ». 

Rien d’autre à dire sur la France d’aujourd’hui ? 

No comment.

 

Le Code civil français, père de tous les maux. 

Toujours à propos du mariage, l’article souligne  à trois reprises les responsabilités du Code civil français pour expliquer que « les femmes ne sont jamais libres ». En effet, cet asservissement, né au sein des trois religions a été « laïcisé par les codes civils, notamment français ». 

Lors de l’indépendance, certains pays « ont gardé le code civil de l’ancien colonisateur, d’autres ont accepté le pluralisme juridique, d’autres l’islam ».

La conséquence est donnée vers la fin de l’article : Les premiers « acceptent toujours beaucoup de dispositions négatives, notamment l’administration des biens par le mari […] d’autres ont réaffirmé des inégalités coutumières et religieuses comme marqueurs d’identité culturelle et partie d’un projet de construction nationale ». 

On a bien compris : alors que le Code civil français est globalement néfaste, les lois discriminatrices inspirées par la tradition ou la religion se justifient par le souci d’identité et méritent sans doute le respect. 

 

Toujours à propos de la famille, l’article sur les « héritières frappées d’incapacité juridique » ( p. 88) distingue la France avec une gourmandise un peu louche «Dans  les sociétés européennes des XVII et XVIIIè s. comme la France les femmes héritent toujours d’une part de patrimoine plus ou moins importante. Mais elles ne sont en général pas libres de gérer leurs biens ». On s’étonnera à nouveau que cet Atlas, voué à l’analyse de la situation des femmes aujourd’hui dans le monde remonte deux siècles en arrière pour le plaisir de lancer une accusation revue dans le corps de l’article.

On y  apprend en effet  que le « privilège de masculinité » a été aboli par la Révolution. Ce qui n’empêche pas l’auteur de l’article de conclure : « Les femmes mariées et leurs biens resteront pour longtemps encore placés sous l’autorité du mari ». Précisons que, contrairement à ce que suggère le sous-titre, actuellement, en France la femme a la pleine capacité juridique de gérer ses biens.

Ces commentaires sont hallucinants quand, en regard, on voit la carte des pays , qui appartiennent presque tous à la même aire géographique, où « les droits de succession sont différents » et évidemment pénalisent les femmes. Dans le cas de cette quarantaine de pays, il s’agit de la situation actuelle et non pas de celle des siècles passés. 

Cela va sans dire, mais c’est toujours plus clair en le disant.

 A ce sujet , on peut lire, à la fin de l’article « Rééducation, délation : Inquisition et Gardes rouges », l’arrêt de la Cour européenne de Justice du 19/12/2018 sur le cas d’une veuve grecs à laquelle s’appliquait la loi successorale musulmane.

 

 

 

 

Le patriarcat et l’état-nation (européen)

 Accusés majeurs, eux aussi.

 Si Françoise Vergès, qui a l’honneur du premier article, est sans nuances : « Les sociétés patriarcales sont apparues» [au néolithique]  avec la sédentarité et la propriété privée  ( p.26) et aurait éliminé l’âge d’or du matriarcat , son avis est opposé à celui de Cynthia Eller, chercheuse américaine  (p.50) pour qui il n’a probablement jamais existé. Camille Lefebvre, CNRS, (p 60) renchérit en affirmant que le pouvoir « reste  l’apanage des hommes même dans une société matrilinéaire ». Mais qu’importe les nuances ?

Selon Françoise Vergès, le patriarcat est particulièrement institutionnalisé au moment où se constituent les Etats-nations avec « l’adoption de lois donnant le pouvoir au père » ( p.26).

En vérité, le père n’a pas eu besoin d’attendre le XIXème s. pour s’arroger tous les droits . Il suffit d’ailleurs de lire l’article de Claudine Cohen, page 29 pour savoir que la « domination masculine s’exerce depuis les temps les plus reculés »  ou encore de poursuivre jusqu’à la page 32 où Françoise Chandernagor rappelle le droit de vie et de mort du père romain. 

Est-il besoin de préciser que dans cet Atlas des femmes, ce qui est en question, c’est le patriarcat occidental qui par le "colonialisme, a renforcé le patriarcat" sur tous les continents (F. Vergès, p. 26)?. 

 

Les absents dans le silence

 L'Atlas, si prompt à procéder à des mises en accusation, reste muet sur les auteurs concrets et leurs motivations.

 

La ville est un lieu dangereux pour les femmes ( p .148) puisque « Les villes ont été conçues pour les hommes ». 

L’article évoque une étude faite à Grenoble qui montre les femmes évitant les lieux dangereux et propose un urbanisme « égalitaire, mixte et juste » (éclairage, déplacements sécurisés…). Pas un mot sur les agressions de rue en France, contre lesquels  la « féministe » ( ?) Caroline de Haas proposait d’élargir les trottoirs pour que les femmes s’éloignent des groupes d’hommes, ni sur les viols du quartier Stalingrad. 

 Voir à propos du harcèlement de rue et des agressions du quartier Stalingrad,   Adieu, le féminisme Chronique d’un suicide… programmé ?

 

Le « code vestimentaire » a fait de la femme la cible de ses injonctions en « sexualisant à outrance son corps » selon les normes établies par le regard masculin (p. 125). Mais, nous dit l’auteur, Maud Gabrielson, journaliste au Monde, les femmes ont su gravir leur Everest et gagné le droit de porter un pantalon, une mini-jupe, et de conclure que ces injonctions sont toujours au cœur de l’actualité » . Et elle s’épanche sur les petites filles ou lycéennes … jugées provocantes à l’égard des garçons ».

Inutile de relire pour chercher l’obligation de porter le hijab, le niqab, la burqa. Cela ne concerne pas les « injonctions vestimentaires pour la journaliste du Monde.

 

Religion et tradition sont hors-jeu

Les mutilations sexuelles féminines (p98) n’ont aucun lien avec les religions qui sont « hors de cause » , affirme un intertitre. Mais, après avoir célébré la France ( oui, oui)  qui rembourse les soins apportés aux femmes mutilées, l’auteur conclut, sans souci de se contredire, que la bataille est loin d’être gagnée : en dépit des associations, les mutilations « repartent à la hausse souvent en lien avec le retour du religieux ». Ah bon ? 

 Pour les traditions, on a vu plus haut qu’elles sont porteuses de valeurs telle l’identité nationale, infiniment plus importante que la situation des femmes… Il est en effet bon en ces temps de gloubi-boulga  intersectionnel de préciser les priorités et de dire ce qui est plus important que la situation des femmes. 

 Voir ici encore Adieu, le féminisme… »

L'avant-ptopos assurait la signature d'experts. Ca nous rassure.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité