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Eléments de conversation pour briller en société
1 novembre 2020

35 Victoria Woodhull. La femme aux mille vies.

 

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35  Victoria Woodhull. La femme aux mille vies. Féministe, marxiste,  banquière, voyante, première candidate à la présidence des Etats-Unis …

 

« Il y a un bonheur supérieur à celui de commander au monde, c’est celui de n’obéir à personne » Victoria Woodhull

 

Mme Satan, comme on la surnommait à une certaine époque naît en 1838 dans l’Ohio. Son père, Buck Claflin exerce divers métiers – marchand d’élixirs miraculeux, joueur de poker,  mais l’escroquerie est sa spécialité, ce qui l’obligera à plusieurs reprises à déménager avec sa famille. Sa mère est servante et a des visions : elle prédit l’avenir et sera à l’origine de la vocation (d’une des vocations) de ses filles, Victoria et Tennessee . La famille qui comprend sept enfants vit très chichement. Ces derniers fréquentent plus la rue que l’école.

 

 Elle a quinze ans quand elle se marie avec Canning Woodhull, un médecin de vingt-huit ans. Beau mariage, socialement parlant , mais le mari est alcoolique et morphinomane.

Ils partent s’établir à San-Francisco, ville attirante qui profite de la ruée vers l’or. Victoria montera sur les planches pour tenir quelques rôles, son mari étant de moins en moins capable d’exercer sa profession. En 1857, elle a alors dix-neuf ans, elle rejoint sa jeune sœur Tennessee qui, à Indianapolis, fait profession de medium.

 

Après un passage par New-York où naît son deuxième enfant, Victoria et les siens, auquel s’est joint son frère Hebert s’établissent dans l’Illinois.  Hebert crée un hôpital mais le gère si mal qu’une patiente y meurt et la famille reprend la route une nouvelle fois. 

Victoria-Woodhull-woman-suffrage-US-House-of-1871

Victoria, a eu le temps de donner des conférences. C’est une femme intelligente, une oratrice brillante qui a accumulé de ça ,de là des connaissances diverses, qu’elle utilise avec force. Elle expose ses idées sur le spiritisme, alors en pleine expansion aux Etats-Unis et les joint à l’exposé de ses convictions sur les droits des femmes. Ses conférences remportent un grand succès, dû aussi en partie au fait qu’une conférencière qui se montre au public ne peut être qu’une femme de mauvaise vie, qui ne respecte pas la modestie  naturelle qu’une femme doit observer.

« Il faut s’attarder un instant sur le mouvement spirite : fort  d’une centaine de périodiques de 1840 à 1890 qui tirait chaque année quelque cinquante mille brochures, il était devenu un porte-parole des femmes. Parmi les arguments qui circulaient dans ces milieux, comme dans le mouvement féministe en général, figurait en bonne place la dénonciation d’une société qui dépouillait la femme de son enfant, de sa propriété, de son nom et de son individualité. Plus ou moins semblable à l’esclave, l’épouse n’avait aucun droit légal qui lui permettait de contrôler souverainement son corps ou de refuser d’être enceinte".   

 Victoria rencontre le colonel James Blood avec lequel elle vit une passion torride, qui émeut les bien-pensants, avant que tous deux divorcent de leur conjoint respectif.  Eux-mêmes divorceront en 1876. 

James_Blood

 A New-York, les deux sœurs font la connaissance du richissime Vanderbilt, adepte du spiritisme, qui vient de perdre sa femme. Suivant les conseils financiers de celles-ci, qui s’avèrent positifs,  il leur accorde sa confiance et grâce à lui, elles deviennent les premières femmes agents de change de Wall Street.

Woodhull_&_Claflin's_Weekly_june_3_1871

Dans l’hebdomadaire qu’elle crée avec sa sœur, le Woodhull and Claflin's weekly, Victoria  revendique, outre  le droit de vote des femmes, l’égalité entre les époux qui doivent avoir les mêmes droits et les mêmes obligations dans la gestion de la famille comme dans l’éducation des enfants, et pour tous l’amour libre, hors des contraintes du mariage traditionnel. Les ligues de vertu se déchaînent.

Elle est désormais célèbre et ses conférences sont toujours très courues. Elle est la première femme en 1871  auditionnée par une commission du Sénat, chargée d’examiner sa pétition sur le vote des femmes.

 

Dans son hebdomadaire, elle présente pour la première fois en anglais le Manifeste du Parti communiste de Marx et adhère à la Ière Internationale. Elle reçoit les remerciements du grand homme qui cependant ne la suivra pas quand elle proclamera la liberté sexuelle pour les femmes. 

Sur son chemin va se dresser, Anthony Comstock, un homme puissant et redoutable, obsédé par une morale intransigeante, qu’il appliquait surtout aux femmes. Créateur de la New York Society for the Suppression of Vice, il était « le gendarme des organes génitaux de la femme américaine »  

 

Anthony_Comstock

Il poursuit en justice la revue de Victoria pour avoir présenté de la publicité pour des contraceptifs.

Il avait réussi à imposer une loi interdisant toute diffusion de matériels ou d’informations sexuelles Il était  ainsi  interdit à la femme de s’informer sur la menstruation, le contrôle des naissances, et à l’adolescente de découvrir son corps. Ces connaissances étaient interdites par la loi qui condamnaient l’obscénité, c’est-à-dire, en somme, tout ce qui concernait la sexualité. 

Le New York Herald lui ayant ouvert ses colonnes, elle y annonce son intention d’être candidate à la présidence des Etats-Unis aux élections de 1872. Elle a été désignée pour représenter le Parti de l’égalité et a choisi pour colistier un ancien esclave, Frederick Douglass, qui préfère suivre le général Grant pour sa réélection.

Le cours de sa vie changea au milieu de l’année 1872. Son ex-mari, Blood revient et s’installe avec le couple .

Free Love caricature_by_Thomas_Nast_1872Les ligues de censure et de défense de la moralité ne manquent pas de les accuser de conduite obscène.  

La même année,  peu avant les élections, elle provoque un scandale public en s’attaquant au pasteur Henry Ward Beecher,  figure importante de la lutte contre la liberté sexuelle -free love- qu’elle accuse de duplicité, en révélant qu’il a une maîtresse. 

Cette initiative malheureuse de Victoria Woodhull aura eu pour conséquence de détacher une part de l’opinion publique qui opte pour le rôle traditionnel et domestique des femmes ainsi que pour la défense de la famille. 

Anthony Comstock poursuit de nombreux militants de l’amour libre. Il se vantera de plusieurs milliers d'arrestations et d'avoir à son tableau de chasse plusieurs suicides de militantes désespérées. 

Le jour de l’élection présidentielle, elle est elle-même, comme directrice du  Woodhull and Claflin's weekly,  arrêtée pour obscénité et les votes qui lui sont attribués ne sont pas décomptés.

 

Meurtrie par ces expériences, Victoria quitte les Etats-Unis pour la Grande-Bretagne en compagnie d’un amant d’une vingtaine d’années. Elle poursuit ses conférences et fait la connaissance d’un banquier, John Biddulph Martin, qu’elle épouse. 

Elle sera désormais châtelaine, et jusqu’à sa mort, en 1927, se consacrera à des œuvres sociales et aux voitures de sport…

 

Sept ans auparavant, le 19ème amendement avait donné le droit de vote aux femmes américaines.

 

Sources

Royot : Femmes de conscience, Aspects du féminisme américain (1848-1875)  Presses de la Sorbonne 

Sur Hélène Brion militante communiste et spirite : https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2003-4-page-9.htm

Nicole Edelman : Spiritisme et politique, Revue d’Histoire du XIXè s.      https://journals.openedition.org/rh19/626

Ronald Creagh :Victoria Woodhull ou le libre échange amoureux,   Presse de la Sorbonne nouvelle.  https://books.openedition.org/psn/4729?lang=fr

 

Podcast de l’émission Franck Ferrand raconte : Victoria Woodhull, femme libre ( 22 minutes)  https://shows.acast.com/franck-ferrand-raconte/episodes/victoria-woodhull-femme-libre

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