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Eléments de conversation pour briller en société
11 janvier 2021

Rééducation, délation : Inquisition et Gardes rouges

 

Anti-racisme

Rééducation, délation : Inquisition et Gardes rouges

  

Autocritique et/ou rééducation ?

 L’autocritique est une preuve de lucidité et d’honnêteté. On admet s’être trompé et on en expliquer les raisons pour que chacun puisse éviter ces erreurs et progresser. 

 Le problème commence quand l’autocritique devient une obligation qui bien souvent s’applique à une partie, voire à toute la population qui doit prouver ainsi son accord avec l’idéologie dominante. 

 

 Adèle Haenel est donc parfaitement libre d’affirmer sa culpabilité et de se flageller publiquement, comme elle le fait dans cette vidéo où elle affirme que pour extirper le racisme en chacun de nous, il faut  « entamer un travail de déconstruction ». Travail absolument nécessaire puisque nous sommes  « en tant qu’individus produits par une société, elle-même gangrénée par le racisme et le sexisme ». 

 Si, en tant que femme blanche, je ne fais pas un travail de déconstruction sur comment j'ai été construite, je me fais moi-même le véhicule du racisme parce que j’ai été constituée dans cette société. » <  (vidéo de 30’45 à 31’52)

 CQFD. Le racisme n’est plus un délit commis par un individu qui affirme la supériorité d’une « race » sur une autre. Il ne s’agit pas d’un acte, ni même d’une déclaration, ni d’un regard, pas même d’un soupir. C’est un marqueur sociétal qui atteint tous les individus nés dans une société qui connaît le racisme. Ceux-ci sont tous coupables, quels que soient leurs sentiments, par le seul fait qu’ils sont « constitués dans cette société », comme le dit clairement Adèle Haenel. 

 Au point où nous en sommes, grimpons  prestement vers les plaisirs douteux du point Godwin Si Sophie Scholl  n’avait pas été exécutée par les nazis, peut-être aurait-elle dû à la fin de la guerre être dénazifiée : le geste qui lui coûta la vie de jeter des tracts dans la cour de l’université de Munich aurait pu être jugé insuffisant pour racheter  une jeunesse biberonnée à la propagande nazie et en aurait été imbibée, à son corps défendant.

 

Heureusement, il est possible de se laver de la marque infamante du racisme que chacun -on l’a compris- porte en soi. La revue Terra Femina du 1er juin 2020 nous donne les dix points pour ne plus être raciste, ou plus exactement pour devenir anti-raciste (pour bien comprendre que le non-raciste est toujours un raciste qui s’ignore, voir le point 9). Et cet article se termine ainsi : Il est indispensable « surtout, d'accepter les critiques venant de personnes dont le savoir et l'expérience sont plus légitimes que les nôtres ». C’est-à-dire de suivre le savoir et l’expérience de ceux qui subissent le racisme ou bien de ceux qui ont accompli les dix points de déprogrammation mentale. 

 Mais quand même…

Trois aspects chiffonnants. Le premier, c’est que l’autocritique, est aussi une arme répressive dont les dictatures ont usé avec délectation. Or, il y a dans les propos de l’actrice cette injonction que si on ne pratique pas l’autocritique (le « travail de déconstruction »), on restera toujours un ennemi.

 Les procureurs staliniens et maoïstes ne disaient pas autre chose.

 Le deuxième point est que l'accusation fige l'individu dans une identité héritée , celle de sa naissance.Si l’individu blanc est raciste par sa « nature culturelle », de même l’individu « racisé » est assigné à sa culture d’origine et ne saurait en changer.

A ce propos, il faudrait relire Je suis noir et je n’aime pas le manioc, éd. Max Milo, 2003 de Gaston Kelman qui, il y a vingt ans, avait bien vu le sujet.

Enfin, l'accusation, l'autocritique qui s'ensuit et la rééducation nécessaire portent sur une multitude de personnes qui sont concernées sans se douter de leur culpabilité.

Une anecdote récente illustre bien la situation.  La jeune fille élue Miss Provence en décembre 2020, révèle que son père est Israélien, ce qui déclenche une foultitude de messages antisémites sur Internet, comme celui-ci : « Tonton hitler ta oublie d’exterminer miss Provence ». Des messages de soutien lui parviennent . H. Bouteldja, co-fondatrice des Indigènes de la République, sur son blog, hébergé par Médiapart, réplique:  « On ne peut pas être Israélien innocemment » <Marianne 29/12/2020

Il est coupable et sa fille aussi. De même qu’on ne peut pas être Français innocemment. Cette idéologie du Tous coupables !  est universelle !

… Et comme on est coupable, on peut, à juste titre, être dénoncé…

 

Délation et police de la pensée.

 

Le 20 octobre 2020, le cours de master 2 sur les Conflits de lois est assuré par une professeure de droit de l'université d'Aix-Marseille. 

Elle aborde les problèmes qui peuvent intervenir entre les lois civiles et les lois religieuses et dit : « si on naît d'un père musulman, on est musulman à vie. Une sorte de religion sexuellement transmissible, je n'ai jamais compris. On dirait du judaïsme, c'est pareil, c'est par la mère. Une sorte de MST, de RST, de religion sexuellement transmissible". 

Son cours est enregistré par une étudiante. 

Celle-ci le donne à Médiapart qui le diffuse le 8/12/20 sous le titre « A l’université Aix-Marseille, une professeure de droit compare l’islam à une MST ». Le NPA reprend l’information le 9 décembre et révèle l’identité de la professeure. Elle est alors l'objet de menaces de mort et mise sous protection policière. La Ligue des droits de l’Homme intervient  et saisit le procureur de la République le 7 décembre pour propos "antisémites et islamophobes". < France3 .  Le parquet d’Aix-Marseille ouvre une enquête. La professeure est auditionnée.  

 

 La presse réagit diversement. Certains reprenant l’article de Médiapart et l’accusation de racisme. Voir à ce propos l’article de Marianne 

 Le NPA par la voix de son organe « Révolution permanente » ne dit rien de l’accusation d’antisémitisme comme le titre du site de Médiapart qui ne mentionne que l’Islam et l’islamophobie. Oubli ou désir de souligner ce qui importe vraiment…

 

La réaction de la LDH et le fond du problème 

​​​​​​Michel Tubiana, président d'honneur de la LDH, déclare à l’AFP : « On a été informés par des étudiants. Sur l'enregistrement, on a été assez ahuris par ses propos qui sont une injure en raison de la religion", 

Voyons sur quoi peut être fondé cet ahurissement.

Sur le fait d’affirmer que les religions de la Bible se transmettent par la généalogie ? L’avocat de l’enseignante a clairement répondu : « Il n'est pas nécessaire d'être docteur en théologie pour savoir que la religion juive se transmet par la mère et la religion musulmane par le père ».

 Sur le désir de faire réfléchir les étudiants sur la liberté de penser ?

La professeure explique lors de son audition par la justice « qu’il n'y a pas de religion transmissible par le sang, c'est une question de volonté libre et quelle que soit la religion ».

Elle souligne avoir voulu questionner la notion de liberté de conscience auprès de ses élèves.  Mais peut-être y a-t-il là aujourd’hui quelque chose d’indécent.

 Sur l’impudence qu’il y aurait à vouloir comparer loi religieuse et loi civile ?

Pour se convaincre qu’il ne s’agit pas d’une fantaisie cynique de la part de cette enseignante chargée, on le rappelle, du cours sur les conflits de lois, il suffit de se rapporter à l’arrêt de la Cour européenne de Justice, du 19/12/2018 : affaire Molla Sali contre Grèce

Mme Sali, à la mort de son mari, hérite des biens de ce dernier, selon la volonté qu’il avait exprimée. Les sœurs du défunt contestent la succession et réclament la possession des biens de leur frère au nom de la loi religieuse musulmane reconnue légalement dans certaines régions de Grèce depuis la fin de l’autorité de l’empire ottoman. Suivent quelques années de procédure, conclues par la Cour européenne au bénéfice de Mme Sali. 

Pour plus de détails, voir  le communiqué de presse du greffier de la CEDJ en annexe. Ou, pour les amateurs de droit, l’arrêt de la Cour européenne de Justice sur son site  .

 

Et l’ahurissement, alors ? 

Il doit être dû à un point névralgique de la sensibilité contemporaine : on ne doit pas étudier ce qui peut déplaire, ni même l’évoquer sans battre lourdement sa coulpe. 

C’est que le cours a choqué. Ainsi cette étudiante, dont les propos sont rapportés par Médiapart : «Si ce n’est pas en cours avec mes professeurs que je me sens en sécurité, où puis-je me sentir en sécurité ? » Elle raconte avoir été tellement choquée par les propos de son enseignante qu’elle n’en a pas dormi de la nuit. 

 

Pour mettre en perspective ce sentiment et brosser l’arrière-plan de l’ahurissement de M. Tubiana, je reprends ici un passage d’un article sur Samuel Paty ( Journalisme : naufrage en quatre avaries

« Les étudiants américains exigent qu’on les préviennent si un cours est susceptible de les offenser, en tant que minorité. Ils auront ainsi la possibilité de ne pas y assister. Un symbole -le trigger warning-, apposé sur un mur prévient du danger [... ]

L'Association américaine des professeurs d'université est critique : « la présomption selon laquelle les élèves doivent être protégés et non pas mis à l'épreuve dans une salle de classe est à la fois infantilisante et anti-intellectuelle" 

Pour ne pas se sentir humiliés, les étudiants américains ont inventé le safe space, espace sécurisé où un groupe social homogène peut se retrouver sans craindre l’agression… ni la contradiction : . « Nombre de conférenciers invités dans des universités américaines, ont été interdits de parole par des groupes d’étudiants intolérants, au nom de leur droit de ne pas subir la « micro-agression » que constituerait cette présence sur le campus. […]

Le cours sur les conflits de lois n’était pas safe. Ahurissement du Président d’honneur  de la Ligue des Droits de l’Homme.

Tentons un bilan de ces deux "affaires". L'une dit qu'elle ne peut être que raciste par son intégration dans une société raciste qui lui a transmis cet état d'esprit. D'où son désir d'expiation.

L'autre affirme que la religion se transmet par l'hérédité. Mais quelle est exactement la différence ?

Laissons Talleyrand conclure.

 « Appuyez-vous toujours sur les principes, ils finiront bien par céder ». (maxime 203 ; Le Bréviaire de Talleyrand, éd. Horay, 2010)

 

 

Annexe

Communiqué de presse du greffier de la CEDJ :

« Dans son arrêt de Grande Chambre1, rendu ce jour dans l’affaire Molla Sali c. Grèce (requête no20452/14), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : 

Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) à la Convention. 

L’affaire concerne l’application, par les juridictions nationales, de la loi sacrée de l’Islam (charia) à un litige successoral entre des ressortissants grecs issus de la minorité musulmane, malgré la volonté du testateur (un grec issu de la minorité musulmane, le mari défunt de Mme Molla Sali) qui avait légué l’ensemble de ses biens à son épouse par un testament établi selon le droit civil grec. Les juridictions estimèrent que le testament ne produisait pas d’effet car le droit applicable en l’espèce était le droit successoral musulman. En Grèce, ce droit s’applique spécifiquement aux grecs de confession musulmane. Mme Molla Sali, qui fut privée des trois quarts de son héritage, estimait avoir subi une différence de traitement fondée sur la religion car si son époux n’avait pas été de confession musulmane, elle aurait hérité de la totalité de la succession. 

La Cour juge en particulier que la différence de traitement subie par Mme Molla Sali en tant que bénéficiaire d’un testament établi conformément au code civil par un testateur grec de confession musulmane, par rapport au bénéficiaire d’un testament établi conformément au code civil par un testateur grec n’étant pas de confession musulmane, n’avait pas de justification objective et raisonnable. Entre autres, la Cour précise que la liberté de religion n’astreint pas les États contractants à créer un cadre juridique déterminé pour accorder aux communautés religieuses un statut spécial impliquant des privilèges particuliers. Néanmoins, un État qui a créé un tel statut doit veiller à ce que les critères pour que ce groupe bénéficie de ce statut soient appliqués d’une manière non discriminatoire. Par ailleurs, le fait de refuser aux membres d’une minorité religieuse le droit d’opter volontairement pour le droit commun et d’en jouir non seulement aboutit à un traitement discriminatoire, mais constitue également une atteinte à un droit d’importance capitale dans le domaine de la protection des minorités, à savoir le droit de libre identification. Enfin, la Cour relève que la Grèce est le seul pays en Europe qui, jusqu’à l’époque des faits, appliquait la charia à une partie de ses citoyens contre leur volonté. Cela est d’autant plus problématique que dans le cas d’espèce cette application a provoqué une situation préjudiciable pour les droits individuels d’une veuve qui avait hérité de son mari selon les règles de droit civil, mais qui s’est par la suite trouvée dans une situation juridique que ni elle ni son mari n’avaient voulue ». 

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