32 Victoria Bateman, économiste, féministe, nue.

32 Victoria Bateman, économiste, féministe, nue.

Professeure à Cambridge dès l’âge de trente ans, cette spécialiste de l’histoire de l’économie est un Ovni.

Son dernier ouvrage The Sex Factor  (mai 2019 -pas encore traduit en français) tente de répondre à une question qui préoccupe les économistes : pourquoi l’Europe est-elle le seul continent à vivre la révolution industrielle dès le XVIIIè s. ? En vérité, pour être exact, il faudrait limiter la zone géographique à l’Angleterre seule (et non pas au Royaume-Uni).

 La thèse de Victoria Bateman repose sur la diffusion des idées féministes au XVIIIè s. qui conduit les femmes à vouloir  disposer de leur corps. Liberté en devenir, certes, mais supérieure à celle que l’on peut constater ailleurs. L’âge du mariage est plus élevé, le nombre d’enfants moins important.  Les femmes participent activement au début de prospérité économique, par leur travail et par la demande de biens de consommation.

« À l'opposé, l'autrice voit en d'autres endroits du globe des cercles vicieux : oppression des femmes ; envolées démographiques ; baisse des revenus ; limitation des libertés ; montée des autoritarismes et des inégalités. » (Antoine Coppolani). Prônant la liberté, V. Batman adhère également au libéralisme économique. Cependant, elle condamne la mondialisation qui a pour effet de faire baisser les salaires, par les délocalisations et l’usage d’une main d’œuvre sous-payée. 

Le propos de l’économiste est aussi féministe. Elle refuse l’idée selon laquelle la liberté dont bénéficie les femmes serait uniquement  la conséquence de la croissance économique. C’est considérer les femmes comme des êtres passifs alors qu’elles sont à l’origine du développement des états européens. 

Il est vrai que, "bien que reconnu, parfois jugé comme indispensable, le salariat féminin est souvent réprouvé en faveur des modèles de la « femme au foyer » et de « l’homme soutien de famille », qui postulent que la première, dans son rôle reproductif, doit veiller sur les enfants et la maison, et que le second doit ramener les ressources financières et être le protecteur de la famille." (< Suzy Pasleau, Université de Liège)

Attendons la traduction de son livre en français pour avoir des idées plus précises sur son contenu.

Quelques mots sur sa biographie pourront éclairer  la mise en œuvre  en œuvre de son féminisme. 

Elle naît en 1979 dans une famille modeste. Le père est ruiné en 1990par la récession en GB. Les parents divorcent. La vie devient difficile. Elle se souvient des humiliations subies à la cantine où elle utilise des tickets-repas gratuits : «Tout le monde voyait qui étaient les plus pauvres des plus pauvres.» 

Petite, pauvre, l’air bizarre et bonne élève, on se moque souvent d’elle et elle garde aujourd’hui encore un souvenir douloureux de ces années d’école. 

Depuis plus de vingt ans, dit-elle, elle n’a pas coupé ses cheveux qui, lâchés, tombent à terre : «  j’ai longtemps porté les cheveux longs pour dissimuler mon visage, et puis j’ai trouvé cette coiffure en couronne, elle me donne de la force.» 

Elle apparaît nue pour la première fois en 2014 : Elle a choisi de poser dénudée pour l’un des portraits portrait que fait Anthony Connolly de diverses célébrités, voulant ainsi montrer que la femme a le droit de choisir et qu’un « corps de femme n’a pas à évoquer seulement le sexe ou la maternité ».

« Mon corps, mon choix » inscrit sur son buste signale le soutien qu’elle apporte à la prostitution comme

étant le libre choix d’une femme qui doit être reconnu sur le plan économique.

La prostitution a un chiffre d'affaire égal à celui des grandes multinationales. Mais elle n'entre pas dans le champ d'étude des économistes parce qu'elle est immorale. C'est oublier que les soldats, les boxers travaillent aussi avec leur corps et le mettent en danger. (<The Independent)

Elle manifesta ce soutien au cours d’une réunion de fin d’année, en juin 2018,  au Gonville and Caius College (Cambridge) auquel elle appartient comme professeure.

L’année suivante, elle donne une conférence sur le Brexit où elle montre -dans tous les sens du terme- que le retrait de la communauté européenne laissera la Grande-Bretagne nue. Les amateurs du corps enseignant peuvent voir la video en ligne.