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Eléments de conversation pour briller en société
23 septembre 2020

34 Mary, le monstre et le dernier homme

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34 Mary, le monstre et le dernier homme

 

Mary a 17 ans lorsqu’elle quitte la maison familiale et s’enfuit avec son amoureux. 

Elle est belle, intelligente, tenace. A quinze ans, son père, William Godwin,  la décrivait comme « audacieuse ». Il était en partie responsable puisque lui-même était considéré comme un penseur qu’on nommerait aujourd’hui radical de gauche. Il envoie d’ailleurs Mary en Ecosse, chez des cousins à qui il recommande de l’éduquer « comme une philosophe », voire comme une « cynique ».  Marie avait reçu de ce père affectueux une éducation approfondie, bénéficiant de sa vaste bibliothèque, assistant aux soirées où se réunissaient dans leur maison de Londres  les penseurs libéraux, favorable à la Révolution française et fort critiques envers la religion. 

Elle s’intéresse aussi bien à la littérature qu’à la science, dans l’esprit des Lumières français et se passionne pour l’énergie nouvelle qu’est l’électricité et l’invention de la pile par Volta qu’elle utilisera dans son premier roman.

Sa mère Mary Wollstonecraft, tout aussi énergique,  est considérée comme la première féministe anglaise. Elle meurt en lui donnant naissance en 1797. Un scandale éclatera l’année suivante quand on apprendra qu’elle avait une vie trop libre pour la bonne société et même une fille illégitime, Fanny,  que William Godwin recueillit et éduqua comme sa propre fille.

 

Mary connaît la réputation de séducteur de Percy Shelley qui lui propose dans l’esprit libertin qui perdure

-percy-shelley

en ce début du XIXème s. de partager ses plaisirs. Mais Mary restera fidèle à son poète. Percy qui a 22 ans ans quand ils se rencontrent commence à être connu. C’est un poète que sa propre famille regarde avec suspicion : il est attiré par les idées politiques de William Godwin et prêt à utiliser la fortune familiale pour venir en aide aux pauvres. 

Percy est marié et père de famille. Les deux jeunes gens se voient en secret, dans un cimetière, sur la tombe de la mère de Mary…

 

 

Byron_1813_by_Phillips

Deux mois après leur rencontre, ils décident de quitter le pays. Claire, la fille de Mary Clairmont que William avait épousée après son veuvage les accompagne.  Après diverses tribulations , on les retrouve au bord du lac Léman ; où les accueille George Byron, ami de Percy, dont Claire, qui affectionne la poésie,  est devenue la compagne.

Tous aiment la nature, mais le temps n’est guère clément : en avril 1815, un volcan indonésien avait libéré des tonnes de particules qui se répandent jusqu’en Europe. Les voyageurs s’occupent à des jeux littéraires. Byron propose que chacun écrive une nouvelle fantastique à la manière des romans anglais qui fleurissent alors. 

Cet été maussade produira deux chefs d’œuvre : Le Vampire de John Polidori qui sera publié en 1819 et connaîtra un engouement immédiat que prolongera le Dracula de Bram Stocker ( 1897), et Frankenstein que

 

Mary Shelley, d’abord hésitante, publiera en 1818 ( il sera traduit en français en 1821) et reprendra sans relâche pour publier la version définitive en 1831. 

Elle poursuivra jusqu’à sa mort en 1851 une carrière littéraire marquée par des opinions politiques que certains critiques jugent ambiguës : c’est une réformiste, beaucoup moins radicale que son mari ou son père, qui entend promouvoir sans heurts la place de la femme dans la société. Son attitude envers la famille qui apparaît dans son jugement sur son personnage, le docteur Frankenstein dont elle juge « inconsidéré » son rejet de la famille doit sans doute beaucoup à sa vie personnelle.

 

 

La vie de Mary Shelley est marquée par la perte.

Sa demi-sœur, Fanny, se suicide, comme la femme abandonnée de Percy.

Elle donne naissance à trois enfants dont deux meurent en bas âge. 

Son père, tant aimé, dont elle reconnaîtra plus tard « l’attachement excessif et romantique » qu’elle éprouvait, la renie quand elle s’unit à Percy Shelley. Celui-ci qui avait promis de l’aider financièrement pour renflouer son entreprise d’imprimerie renonce à ce projet. C’est peut-être là l’une des sources du conflit entre le père et sa fille.

La grande histoire d’amour, commencée dans un cimetière se termine par un naufrage : Shelley avait acheté un bateau et, parti pour un voyage jusqu’en Toscane en juillet 1822, il périt en mer avec ses amis. 

A 25 ans, Mary est veuve, après avoir perdu trois de ses enfants.

Elle reviendra en Angleterre, tentant de vivre de sa plume, aidée financièrement par ses amis, Byron notamment mais abandonnée par les siens. La riche famille de Shelley ne veut pas la recevoir. Elle représente toujours pour la bonne société la débauche, l’insolence, et les idées anarchistes de Percy.

 

 

La CréatureMais elle donnera naissance à un être de papier, un personnage mythique que le destin ne pourra lui ravir.

La tradition a oublié le titre complet de son œuvre et surtout commis une confusion sur le personnage même de Frankenstein. 

Le titre Frankenstein ou le Prométhée moderne, rappelle le mythe grec de Prométhée qui veut venir en aide aux hommes contre la volonté de Zeus. Il leur fait découvrir le feu, l’art de travailler les métaux, l’agriculture, etc. à tel point que les dieux se sentent délaissés ! Zeus le punira : attaché à un rocher, un aigle dévore son foie qui repousse chaque nuit…

Le Prométhée moderne est un dieu créateur qui à partir des morts veut recréer des êtres vivants. Ainsi Frankenstein n’est pas comme on le croit le monstre fait de membres épars mais le nom du savant Victor Frankenstein qui donne vie à une créature qui n’aura jamais de nom. Ainsi le nom du créateur passera-t-il à sa créature. Au lieu d’être célébré comme un démiurge, il sera honni comme un monstre. 

Peut-être y a-t-il de la part de Mary Shelley le désir de souligner l’ambivalence de la science et ses conséquences.

Sur la référence possible au dialogue d’Ulysse et Polyphème –« Mon nom est Personne »-, on peut lire l’article d’Evelyne Plaquin.  

https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2012-1-page-65.htm

 

L’étranger et la société

L’être créé par Frankenstein apprend à parler, lire écrire pour entrer en contact avec les hommes. A chaque fois, il est rejeté par la société qui craint cet individu étrange. C’est là ce que pense vivre le héros romantique en butte à l’incompréhension de ses semblables. 

« La face humaine m’était odieuse - dit le docteur Frankenstein-. Hélas ! non, pas odieuse, car c’étaient là mes frères, mes semblables, et les plus repoussants d’entre eux m’attiraient comme des êtres d’une nature angélique et l’œuvre d’un ouvrier divin. Mais il me semblait que je n’avais pas droit à leur commerce. »

Une jeune fille ayant été exécutée pour un meurtre commis pas la Créature, qui veut se venger des intimes de son créateur, Elizabeth, dont Trankenstein est amoureux, s’écrit :

« Désormais, la souffrance s’est fait vraiment connaître, et les hommes m’apparaissent comme des monstres assoiffés chacun du sang de l’autre. »

 

 

Vers la fin de l’humanité

Le drnier homme

On peut difficilement imaginer plus sombre que Le dernier Homme, conte philosophique, publié en 1826, qui nous parle encore aujourd'hui. 

 

Dans un temps futur, une guerre terrible a ravagé le monde. Sociétés et civilisations se se sont écroulées peu à peu sous les effets d’une pandémie qui s’étend à travers tous les continents.  Le narrateur sera le dernier homme. Il fuit l’épidémie – l’épisode se situe en 2100- sur un bateau de fortune et disparaît sans qu’on sache quelle est sa destinée, comme la Créature de Frankenstein.

 

 

Les amateurs pourront lire:

20 Delphine, Emma, malheur à la femme scandaleuse et à sa descendance

 

 

 

 

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