Goût du lynchage et goût du confit de canard

17 novembre 2020

Goût du lynchage et goût du confit de canard

Le peuple de gauche (d’une certaine gauche) est agité par une publicité radiodiffusée en octobre-novembre 2020 sur le confit de canard.

Un certain nombre d’auditeurs adressent des courriers furieux (à lire ici) à la médiatrice de France-Inter : ils ne comprennent pas que cette « pub réac », cette « pub de droite » qui « met en scène un vieux con » soit diffusée sur une « radio progressiste ».

https://www.letelegramme.fr/finistere/scaer/cabaret-ma-i-te-humour-et-emotion-ce-week-end-04-02-2016-10946117.php

Un auditeur qui se plaint résume la publicité : « Un vieux con », dit-il, parle ainsi : « Alors on ne peut plus utiliser sa voiture sans culpabiliser. On ne peut plus tenir la porte aux dames sans passer pour un dragueur. Bientôt on ne pourra plus s’asseoir sur l’herbe sinon on écrase les insectes rares.

Heureusement qu’il nous reste le confit de canard. Un bon confit de canard vite fait au four sans chichi accompagné de patates sautées à l’ail en refaisant le monde dans la cuisine avec les potes, hein ! On ne va pas nous l’piquer ça. Le confit de canard, hum, le bonheur peinard. »

L’agacement gagne les media : Sur Europe 1 ; sur Charlie ; dans la rubrique de François Morel ...

Pourquoi tant de haine, pour un confit de canard ?

Selon ses détracteurs, cette publicité exprime une opinion politique anti-écologiste, sexiste, anti-vegan, voire raciste.

Une publicité anti-écologiste

Ainsi ledit vieux con gémit, dit un détracteur, de ne pouvoir rouler dans « sa grosse bagnole ». La publicité ne dit évidemment rien de la cylindrée de la voiture, mais l’amplification est facile et évite de faire référence, par exemple, à la maire de Paris qui, soucieuse de l’air pur, ne fait pas mystère de vouloir vider la ville de ses automobiles, comme nombre de responsables de grandes villes. Ce qui pourrait expliquer la « culpabilité » du personnage. Mais l’explication n’est pas l’objet des prises de parole.

Une publicité sexiste

L’accusation est particulièrement fréquente : « sexiste, machiste, anti-féministe, etc.… »

Une auditrice se plaint en ces termes : « Je viens d’entendre la pub la plus sexiste de ma vie sur votre antenne juste avant le journal de 9h. Elle concerne le confit de canard pour femme » (canard pour femme ???)

Une autre est plus précise, mais un peu obscure : « De plus, ils pointent évidemment vers, selon moi, un des féminismes qui ne devrait pas être celui médiatisé : « on ne peut plus tenir la porte à une dame sans passer pour un dragueur » …

Personne n’explique en quoi la formule est sexiste. C’est qu’il faudrait revenir à Simone de Beauvoir qui condamne effectivement la galanterie qui vise « à maintenir la femme dans son état d'asservissement » ( Le Deuxième sexe).

La galanterie « à la française » est l’objet de débats ardents et violents. Elle a eu comme défenseurs (-euses ?) Catherine Millet et Catherine Deneuve dans une tribune qui mêlait grossièrement séduction et harcèlement (<Le Monde)

Le rapport du HCE ( Haut Conseil pour l’égalité entre les hommes et les femmes) évoque la galanterie, la courtoisie envers les femmes comme un « sexisme bienveillant ». Le publicitaire en sait plus que ces détracteurs sur l’état de la question.

Une publicité anti-vegan…

… « irrespectueuse du bien-être animal », « contre la défense animale ». C’est vrai. Rien à dire à cela. Ils ne s’agit pas ici de Jaïns ("Les Jaïns sont des végétariens Indiens purs et durs. Les plus pieux balaient en marchant pour ne pas écraser d'insectes et se masquent la bouche pour ne pas en avaler".(< radio Canada)

Une publicité raciste

Un analyste avisé (sic/lol) précise dans une parenthèse : « (vous avez échappé de peu à l’allusion raciste… mais franchement on en est pas loin non plus).

Ah ? Ne cherchez pas dans le texte de la publicité : rien de raciste… sauf l’évocation des potes du « vieux con ». On y reviendra.

Par contre, François Morel, dans son sketch n’hésite pas à aller dans le sens de l’analyste avisé dont on parlait : Voir ce passage à 2’45’’: « On ne peut plus avoir à notre service des Niakoués ou des Bamboulas qu’on ne paie pas sous prétexte que ce serait considéré comme de l’esclavage moderne… ». Laissons à F. Morel la responsabilité de son discours : on ne peut plus rire de tout.

Une publicité « anti-confinement après 22 heures »

Ce critique a supposé que les potes étaient plus de six et que la dévoration du canard se déroulait tard dans la soirée. Pourquoi pas : le papier ne refuse pas l’encre, c’est ce qu’on peut lui reprocher !

Et voilà le point Godwin atteint !

« Un type se plaint qu’on l’empêche de faire preuve de « courtoisie » (à cause des féminazies, sans doute !) ».

Beau travail de mise en forme, très classique : il est toujours efficace d’attribuer à l’autre une idée pourrie afin de s’y opposer plutôt que d’imaginer un bon argument.

Plusieurs auditeurs se moquent de cette «pub réac qui surfe sur le on ne peut plus rien dire ». Alors qu’il est possible de tout dire, comme il le prouvent eux-mêmes avec la plus grande clarté. Voici un petit florilège de la dénonciation qui mène à l’exclusion et au lynchage.

« Je suis sûre que vous aurez à cœur de vérifier le contenu de cette publicité »."Il y a de « tristes pub qui ne devraient pas être diffusées sur vos antennes! »;

« Nous vous encourageons vivement à la retirer de vos antennes ».

« Peut-on connaître l’agence de publicité qui invente de pareils messages publicitaires ? Et la personne qui sélectionne les publicités à France inter?

En fait, en ces temps d’indignation virale où chacun peut se sentir indigné pour un mot dit trop haut ou trop bas, cette publicité commet l’outrage de présenter un franchouillard, qui plus est, heureux, avec ses potes dont personne ne peut supposer qu’ils appartiennent à une autre diversité que celle des cantons voisins.

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