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Eléments de conversation pour briller en société
27 janvier 2020

29 Une jouissance commune, enfin !

cow-boy

29 Une jouissance commune, enfin !

 

 

Une activité commune aux hommes et aux femmes qui leur procure le même plaisir, ce n’est pas à dédaigner !

Une activité simple, qui ne demande pas de gros matériel, ni des connaissances approfondies, juste de la bonne volonté et le goût de bien faire.

Je conseille aux lecteurs éventuels de ne pas s’arrêter en chemin : papy Freud et tonton Lacan donnent la clef de cette soudaine folie masculine pour le tricot.

 

 

 

 

 

Le tricot, c’est mâle ?

 La revue de presse de France-Inter du 22 septembre 2019 évoquait l’engouement nouveau pour le tricot. Fait original : il concerne les hommes. Les durs, les machos d’apparence au cœur tendre, ou pas…

balls!

  Antonio Banderas, Russel Crowe , Ryan Gosling croisent les aiguilles. Voir l’article indispensable de Marie-Claire

Les tricoteurs ne craignent pas l’accusation de femmelettes. Ils ont trouvé une réplique en image bien tricotée pour répondre  aux critiques.

 

hombres

Au Chili, les hommes sont déjà convaincus et particulièrement actifs, en particuiers les  « Hombres tejedores ».

 

C’est pédagogique

 

Le tricotage formerait mieux les esprits à la logique mathématique, rappelle le chroniqueur de France Inter, qui cite une école américaine proposant cette activité aux enfants de 6-7 ans.

 

C’est délassant et thérapeutique

En France, les réseaux sociaux se font l’écho du bonheur des néo-tricoteurs qui savourent un loisir dé-stressant  et utile. 

thérapie

Gaëlle Riou, ergothérapeute au Centre hospitalier de Versailles (78) présente un exposé sur le travail qu’elle a effectué auprès de ses patients. 

En voici un extrait : « S’il y a bien une activité que je n’aurais jamais pensé proposer un jour à mes patients c’est le tricot. [...]

C’est ainsi que, pas à pas, une patiente est venue un jour me demander de lui réapprendre à tricoter. C’était un souvenir apparemment précieux à ses yeux, une sensation qu’elle voulait retrouver pour se prouver à elle-même qu’elle n’avait pas « tout oublié », qu’elle était « encore capable de quelquechose ». 

Enceinte de plusieurs mois, Mme B. présentait un tableau dépressif sévère avec des propos préoccupants concernant son bébé à venir. Lors d’hospitalisations précédentes elle s’était beaucoup appuyée sur les séances d’ergothérapie en tant qu’espace créatif pour exprimer ce qui ne venait pas avec des mots et pour mettre à distance ses angoisses. 

Mais cette fois, les symptômes dépressifs étaient plus sévères, proches de la mélancolie. Le seul désir qu’elle ait pu formuler après plusieurs semaines d’hospitalisation a été ce souhait de tricoter. Plus précisément elle voulait poursuivre une écharpe restée chez elle dans des cartons depuis plusieurs années. Devant son désarroi et l’inquiétude du médecin par rapport à la grossesse qu’elle investissait négativement, j’ai fini par sortir les aiguilles et décidé de dépasser mes propres peurs ».

L'expérience, d'une dizaine de pages, est consultable en ligne: Ergothérapie et tricot en psychiatrie : le renouveau d’un médiateur oublié

 

Mais pourquoi ? pour quoi ?

 

C’est pudique

pagne Mexique

Le point de départ pourrait résider dans une conférence de Freud de 1932 sur la féminité. Il faut auparavant savoir que pour Freud, la femme se définit par un manque, une fente anatomique : ses organes génitaux n’ont effectivement pas de pénis. 

Et ce serait pour cette raison que la femme a inventé le tissage et le tricot…

« On estime que les femmes ont apporté peu de contributions aux découvertes et aux inventions de l’histoire de la culture mais peut-être ont-elles quand même inventé une technique, celle du tressage et du tissage. S’il en est ainsi, on serait tenté de deviner le motif inconscient de cette réalisation. C’est la nature elle-même qui aurait fourni le modèle de cette imitation en faisant pousser, au moment de la puberté, la toison pubienne qui cache les organes génitaux. Le pas qui restait encore à franchir consistait à faire adhérer les unes aux autres les fibres qui, sur le corps, étaient plantées dans la peau et seulement emmêlées

Reiser, Gros Dégueulasse

les unes avec les autres. »

 Ainsi la pudeur féminine permet de masquer ce manque qui sauterait aux yeux s’il n’était pas caché (Je connais une dame dont la grand-mère tricotait dans les années 1950 les maillots de bain, tantôt en laine tantôt  en coton  de ses petits-enfants. Je ne peux en dire plus).

 

 

C’est une relation forte avec l’enfant

 Michel Soulé, (Revue française de psychanalyse octobre1992analyse ce lien.

« La femme enceinte qui tricote sollicite sa relation fantas- matique à l'enfant imaginaire, mais en même temps imagine le corps réel d'un bébé dont la venue est proche. Elle pense à l'enfant imaginaire, mais aussi à son corps physique dans tous ses détails. Cette enveloppe de laine, c'est la fabrication d'un nouvel utérus (utérus de laine) extérieur à son corps, cette fois-ci fabriqué par elle, qui lui permettra de continuer sa grossesse avec une enveloppe, le nid d'ange puis la grenouillère, qui maintiendra son bébé, le contiendra, lui ap- portera la chaleur maternelle. "

 En témoigne, cet extrait du guide Layette Chantelaine : « Pendant de longs mois, vous l'avez protégé, cajolé, imaginé... maintenant que bébé est là, votre premier geste de tendresse est de reconstituer pour lui cet univers d'amour et de douceur. Chantelaine vous y aide en vous proposant une layette qui, à son tour, va protéger, cajoler bébé. Les formes confortables et emmitouflantes se conjuguent en panoplies complètes et sont prévues pour s'enfiler facilement et rester bien en place quand bébé gigote. »

Et on comprend le chagrin de la mère quand son pré-ado commence à lui retourner ses écharpes tricotées.

 

C’est du plaisir !

 

Virginia Hasenbalg-Corabianu  dans la Revue lacanienne n° 15 d’avril  2014, pages 75 à 81, souligne un point essentiel : « Il est peut-être inimaginable pour ceux qui ne tricotent pas de se faire une idée de ce que j’appellerai sans détours la jouissance de tricoter ».

[Dans certains magasins prestigieux], la variété et la quantité de laines en pelotes et en écheveaux étonne le néophyte. Pourquoi ? Parce que tricoter est une jouissance.

S’agit-il donc de masquer le défaut, le manque ? »

Les femmes tricotent, tricotent et -dit Lacan- il n’est pas sûr qu’elles sachent quel est le bon moment pour s’arrêter ». […] On pourrait alors faire l’hypothèse que si elles ont du mal à s’arrêter, c’est parce que c’est drôlement plaisant. C’est dans ce sens qu’on lit la remarque de J. Scheid et J. Svenbro lorsqu’ils citent des travaux sur les Navahos :  «Beaucoup de femmes ne tissaient pas plus qu’à peu près deux heures d’un coup.

Dans les vieux temps les filles célibataires n’avaient pas la permission de tisser, par crainte qu’elles exagèrent, et il y a un rite pour guérir  des effets d’un excès dans cette activité. En relation avec ceci, il y avait la crainte de finir complètement quelque chose : (...) le tisserand laissait toujours une petite fente entre les fils».

knitting-man-in-metro1

Une fente entre les fils ?

Mais quel gouffre les hommes tricoteurs veulent-ils creuser et tomber ?

Heureusement, nul besoin de connaissances particulières,nous rassure le collectif OUPPPS ! (Ouvroir de Psychanalyse, Performance, (Im)Pertinence(du)politique, Sophistique, ) de psychanalystes lacaniens qui propose un « atelier de lectures plurielles.

 En précisant bien que « chacun peut venir avec son tricot et son propre fil de travail, aucun savoir préalable n’est requis ».

Prenons cette recommandation au pied  de la lettre !

 

****************

cool !

Le sous-titre « Le tricot, c’est mâle » a été emprunté au site « Mouton noir », que l’on consultera avec plaisir. https://mo

utonnoir.net/2016/04/12/le-tricot-cest-male/

 

Un historique intéressant à lire : https://tricot-fluor.monsite-orange.fr/page2/index.html

 

Annexe : 

 Le tricot investit tous les domaines

Il s’est  trouvé au centre d’une polémique entre Donald Trump et le site Ravelry, indigné par les déclarations du président des Etats-Unis sur le suprémaciste blanc. Voir l’article de La Voix du Nord.

 

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