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Eléments de conversation pour briller en société
29 mars 2019

13 Le consentement sexuel. Cat Person

13 Le consentement sexuel. Cat Person de Kristen Roupenian

 

Roupenian-Fiction-QA

 Dans la foulée de l’affaire Weinstein, est né un débat sur le consentement sexuel. 

 Sujet brûlant sur les variations des relations avec son partenaire. 

 

Au niveau de la conscience que l’on a de la situation : « qu’est-ce que je ressens ? ai-je envie de faire l’amour avec lui » [« lui », parce que ce genre de questions ne préoccupe pas particulièrement les garçons]. 

Au niveau du sentiment éprouvé – qui n’est pas toujours amoureux : « Je vais le décevoir. Il est gentil, je peux bien faire ça ».

Au niveau de la perception que l’on a du regard des autres : « Si je refuse, je vais passer pour une fille ringarde ».

 

Cat person

 Si cette situation n’est pas nouvelle, elle a éclaté au grand jour grâce à une nouvelle d’une Américaine, Kristen Roupenian, qui publiait là sa première œuvre. 

La revue The New Yorker  la présentait dans son numéro du 4 décembre 2017 et la diffusait en ligne.  

 Cat Person met en scène Margot, étudiante, vingt ans et Robert, trente-cinq ans. Elle tient un stand de confiserie dans un cinéma. Robert, un soir lui demande un paquet de pop-corn. Elle plaisante sur son choix. La semaine suivante, il lui demande son téléphone. Etonnée, elle le lui donne quand même. 

S’ensuit alors une période d’échanges de sms et « quand ils réussissaient à enchaîner deux ou trois bonnes vannes d’affilée, cela provoquait une vague d’euphorie, comme s’ils avaient partagé une danse ».

Un soir, elle se plaint qu’elle n’a plus rien à manger chez elle. Il lui propose de la conduire dans un magasin ouvert où elle pourra prendre ce qu’elle veut et retourner chez elle préparer ses examens, elle hésite puis accepte. En sortant de la boutique, « elle pensa qu’il allait se lancer dans une tentative de baiser et se prépara à esquiver et lui tendre la joue, mais au lieu de l’embrasser sur la bouche, il la prit par le bras et posa doucement un baiser au sommet de son front ». Margot, en revenant « se sentit pleine d’une sorte de légèreté pétillante, une sensation dont elle connaissait la signification : elle commençait à craquer pour lui. »

Leurs relations se poursuivent. Et un soir, après la troisième bière, elle se demande « comment ce serait de coucher avec lui. Sûrement comme ce baiser raté, maladroit et excessif, mais elle se dit que ça pourrait aussi être torride, d’une certaine manière. » 

Et elle prend l’initiative de faire les premiers pas. 

Dans la chambre de Robert, Margot ne tarde pas à se demander si elle n’a pas pris « la pire décision de sa vie » … 

Elle entre alors dans la zone grise.

 

 Pour ne pas vous spoiler (autrefois, on disait, joliment ( ?) « déflorer ») le plaisir de la lecture, j’arrête ici le compte-rendu. La nouvelle a été traduite en français dans le n° 06/16 de l’été 2018 de la revue AMERICA, intitulée « Ladies first ». Revue française dirigée par François Busnel en dépit du titre. Les passages cités proviennent de la traduction de Marguerite Capelle.

 

La nouvelle d’une vingtaine de pages eut un effet viral sur le net. Trois jours après la publication, la mère de Kristen l’appelle pour lui dire qu’un certain Barack Obama a partagé son texte. Un vrai feel-good movie à l’américaine. Des éloges, de la reconnaissance pour avoir osé parler de ça, et un chèque de 1,2 millions de dollars à valoir sur son prochain livre (paru en janvier 2019). Mais aussi des injures et des menaces, comme Internet en produit d’abondance.

 

La zone grise.

 En France, comme aux Etats-Unis, émissions et articles de presse se succèdent et mettent en évidence ce qu’on appelle désormais la zone grise : « Ce moment où le désir et l'insistance de l'un prennent le pas sur le consentement de l'autre. » 

Les témoignages  soulignent l'importance des relations sexuelles non désirées, non qu’elles soient provoquées par la violence physique, mais par un « cocktail empoisonné de sentiments et d’attentes culturelles où se mêlent l’embarras, la fierté, l’estime de soi et la peur ».

La réalisatrice du documentaire Sexe sans consentement  (diffusé le mardi 6 mars 2018 sur France 2), Delphine Dhilly précise le sens des « attentes culturelles »qu'elle définit comme « toutes ces injonctions sociales dans lesquelles baignent les filles depuis la naissance. C'est dans nos manières, notre éducation : il faut faire plaisir aux garçons.  

 

De nombreux témoignages montrent la difficulté à se faire entendre

« Je répète la phrase –“ mets un préservatif ”- douze mille fois dans ma tête avant de la prononcer. Si le mec refuse ou me dit qu’il ne préfère pas, je cède à mes risques et périls. » Puis, en riant : « C’est con hein, mais je préfère avoir une MST que casser l’ambiance. » 

 D’autres partagent la responsabilité de la situation :

"Si je dis non à mon mari mais qu'il m'embrasse dans le cou ou autre, son insistance pourrait être perçue comme une pression alors que non", écrit Emi. "Et si on cède parce que finalement monsieur a réussi à nous donner envie, ce n'est pas une agression selon moi. On peut changer d'avis et dire non, mais on peut aussi changer d'avis et dire oui."

Certaines femmes pensent que la pression fait partie du jeu de la séduction et que les hommes ont raison d’insister. « Nous les filles, on nous a appris à résister aux avances, puis à céder. Donc l'esprit des hommes n'est pas si tordu.» 

La majorité se place dans l’autre camp. Pour elles, il n’y a pas de « zone grise » du consentement. Si une femme exprime d’une façon ou d’une autre qu’elle n’a pas envie, ou pas à ce moment, ou qu’elle n’exprime rien (elle dort, elle est saoule ou droguée) et que l’homme passe outre, cela relève de l’abus et de la violence sexuels, punissables par la loi. 

 

 Le regard des autres

 Le regard des autres est vécu comme déterminant », dit Annie Rolland, psychothérapeute spécialiste des ados. « Amandine, maintenant 26 ans, a autrefois pratiqué des fellations à répétition pour plaire à un petit copain. « Il avait bien fait passer le message. Je savais qu’il adorait ça et je sentais une pression. Pour ne pas passer pour une gourde, je le faisais régulièrement, sans prendre aucun plaisir. »

La popularité est le maître mot, la pression du groupe de pairs, déterminante. Il y a les autres filles qui ont déjà couché et s’en vantent. Et les garçons, qui « jouent un jeu cruel, en faisant croire à la fille que si elle ne couche pas, elle perd toute sa valeur. » 

 Certains sites qui évoquent ces situations voient le mépris ou la méconnaissance de l’autre être tels que le modérateur du forum est obligé de fermer la discussion. 

 

Devoir conjugal ?

 "On a tendance à considérer que les rapports sexuels dans un couple sont tous consentis, comme ce qu’on appelait avant le devoir conjugal, cette nécessité de faire du sexe dans une relation amoureuse. Et on va encore plus considérer que les corps sont consentants par défaut, à partir du moment où ils sont dans une relation affective ou amoureuse."

A ce propos, il faut renvoyer à ce procès au tribunal de Nanterre le 31 mai 2018 où le mari était accusé de menaces de mort sur son épouse… qui était renvoyée fermement par le juge à son son obligation de devoir conjugal ! 

 

Et les hommes ?

 Pas de problème, pour les hommes, bien que certains se sentent concernés, tel ce collègue interviewé par une journaliste du Monde : « Ça met mal à l’aise, ton truc. J’ai repensé à deux ou trois nanas avec qui j’ai insisté, même un peu plus que ça, et qui ont fini par se laisser faire. » 

« Comment être sûr d’être dans un rapport consenti ?  « Il m’est arrivé à plusieurs reprises et avec différentes partenaires de faire face à un “non” pendant l’acte sexuel ou les préliminaires après une action de ma part. Immédiatement, je ne manque jamais de m’interrompre. Eh bien, non seulement cela surprend souvent mes partenaires, mais certaines me l’ont reproché, et assez vertement en plus »

 

Le contrat comme solution?

« Aux Etats-Unis, dans certaines universités, le consentement doit être vraiment contractualisé par écrit et très formalisé. » 

En France, où règne l’amour courtois, on se moque de ce visa à obtenir sous peine de procès éventuels.

 

 Conclusion?

"Tant que les hommes seront élevés dans l’idée que les femmes leur sont inférieures et qu’ils peuvent disposer de leurs corps, de leur liberté, ça continuera."

Sur l'histoire du viol, on peut lire cet article 

 

SOURCES

 

La nouvelle :

https://www.newyorker.com/magazine/2017/12/11/cat-person

 

 

Interview de Kristen Roupenian

https://www.newyorker.com/books/this-week-in-fiction/fiction-this-week-kristen-roupenian-2017-12-11

https://www.newyorker.com/books/page-turner/what-it-felt-like-when-cat-person-went-viral

 

 

Presse :  les passages entre guillemets sont extrais des journaux suivants:

1

https://www.lepoint.fr/societe/sexe-sans-consentement-la-zone-grise-en-question-06-03-2018-2200263_23.php

 

2

https://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20171013.OBS5985/consentement-ce-que-vos-commentaires-nous-ont-appris.html

 

3

https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/01/26/entre-le-viol-et-le-consentement-le-probleme-de-la-zone-grise_5247684_4497916.html

 

4

https://www.lesinrocks.com/2019/03/02/actualite/societe/pourquoi-la-question-du-consentement-dans-nos-relations-sexuelles-quotidiennes-et-conjugales-doit-etre-posee-111169455/

 

5

P4 https://pulitzercenter.org/reporting/kristen-roupenian-cat-person-viral-fiction

 

6

http://www.frenchtouchseduction.com/board/difference-entre-refus-categorique-et-besoin-d-etre-seduite-vt20014.html:

 Je recopie ce commentaire du modérateur d'un forum qui risque de ne pas rester disponible très longtemps:

 

Ce message a été supprimé par le modérateur



Cette discussion portait sur la limite à ne pas franchir quand une femme se refuse à vos avances.
Sujet glissant par nature, la ligne jaune a été franchie à plusieurs reprises, dans des messages présentant des faits et des propos qui ne peuvent être acceptés.

J'ai donc décidé de nettoyer ce topic, et de trancher sur la question une bonne fois pour toutes :
quand une femme refuse vos avances et vous dit non, c'est non. 

=> Essayer de voir "jusqu'où vous pouvez aller trop loin", c'est déjà aller trop loin.

Je vous renvoie également à ces messages : 

Respect de la femme et refus des comportements déviants
Drague et harcèlement sexuel
Comment savoir si elle est consentante
Drague, séduction et éthique FTS

 

 

 

Pour aller plus loin

 

Marlène Schippa : La culture du viol, éditions de l’aube, 2017

            (très documenté ; nombreuses références en ligne)

 

Georges Vigarello, Histoire du viol, XVIè-XXè s., éditions du Seuil, 1998

            ( un monument ! pour préparer une thèse)

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