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Eléments de conversation pour briller en société
25 mai 2019

Femmes en lutte Saison 1 Episode 2 XVIIème s.des femmes, des hommes, des sentiments, de la culture...

 

0 Femmes en lutte saison

XVIIème s. Prise de parole, soif de culture, affirmation du désir.

 

Episode 2 : des femmes, des hommes, des sentiments, de la culture...

 

 

 

 

 

 

Un nouveau vivre-ensemble!

 Les salons sont nés de la grossièreté qui régnait à la cour d’Henri IV, puis de l’éclipse de cette même cour qui résidait au Louvre durant le règne de Louis XIII, roi falot dont le goût ne le portait pas vers le

Mme_de_Rambouillet

s femmes ( Voir à ce propos l'article "Marion de Lorme".  

 Le Marais va au cours du XVIIème s. se garnir de somptueux hôtels particuliers.

 La marquise de Rambouillet se retire dans son hôtel particulier et crée une cour plus raffinée que celle qui

se réunissait au Louvre autour du roi. On juge désormais de la délicatesse d’un individu, de sa sincérité, par la politesse de ses manières. A propos d’une jeune femme qui n’était pas très soignée, Voiture, poète attitré de Mme de Rambouillet écrivit ses vers :   

 

« Vous qui tenez incessamment

Cent  amants dedans votre manche, 

Tenez-les au moins proprement

Et faites qu’elle soit plus blanche. »

 

Ruelle_17°s_Chateau_de_Rambouillet

Lorsque Louis XIV établit le centre du pouvoir à Versailles en 1682, les salons parisiens continueront pendant tout le XVIIIème siècle à accueillir romanciers, philosophes et hommes de science.

 

 

Un espace féminin : le salon de Ninon de Lenclos

Ninon tenait salon, recevait ses amis, d’abord des libertins athées ou presque, puis des hommes de lettres, voire un ministre ou encore, quand on aura oublié ses débuts de prostituée, des dames de la bonnesociété. Son salon était un peu particulier, eu égard à la personnalité de l’hôtesse mais n’était pas le premier. Il faut dire quelques mots sur l’effet que ces salons ont eu sur les relations homme-femme.

Les hommes, plus intéressés par les activités de prédation -chasse, guerre, copulation rapide- ne s’intéressaient pas aux salons qui étaient tenus par des épouses à qui certains maris laissaient cette liberté, de riches veuves qui ne devaient rendre compte à personne, des aristocrates de haut rang qui n’écoutaient que leur volonté. 

 Un espace de savoirs

Comme préliminaire, évoquons ce degré zéro de la considération que portent les hommes envers les femmes, mis en valeur par Molière dans Les femmes savantes (II,7). Femmes à qui on ne demande que de distinguer une veste d’une culotte : 

"Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,

Qui disaient qu'une femme en sait toujours assez,

Quand la capacité de son esprit se hausse

À connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausses.[1]"

Et en effet, au début du siècle, Mlle de Gournay, fille adoptive de Montaigne, met en cause, dans son Égalité des hommes et des femmes(1622) « la seule félicité, les vertus souveraines » que les hommes veulent accorder aux femmes : « ignorer, faire le sot et servir ». 

On comprend que l’ambition des salons défie la raison. Il s’agit de donner aux femmes « le droit à la considération, à l’indépendance, à l’amour et au savoir[2]».

 

Comment tenir un salon sans aucune instruction[3]? Comment les dames qui initiaient la pratique du salon avaient-elles acquis l’art de la conversation, un minimum de culture, la pratique des bonnes manières… nécessaires pour donner au moins la réplique à des hommes de Cour sarcastiques, des écrivains, des poètes, des philosophes, plus tard des scientifiques ? 

Certaines avaient « volé » ces connaissances à leur entourage : telle écoutait les leçons de latin données à son frère (elle deviendra la gouvernante du jeune Louis XIV !) ; telle autre se faisait donner des cours en cachette ; d’autres, comme Ninon, se nourrissaient de toutes les discussions qui bruissaient autour d’elles.

 

La religion n’a jamais vu d’un bon œil les femmes intelligentes, mais en ce début du siècle, il faut contrer le protestantisme et ne pas oublier que les femmes sont avant tout des mères qui seront les institutrices de leurs enfants et sauront propager la foi catholique et les préserver des sermons protestants. Le Concile de Trente décide la création d’une école dans chaque paroisse. La première école pour filles -enfants et adolescentes- ouvre en 1598 en Lorraine. À la fin du siècle Louis XIV, pour mieux implanter ces écoles qui diffusent le dogme catholique fait rétribuer les maîtresses (100 livres par an) et les maîtres (150 livres) ! 

Les femmes deviennent littéralement visibles et Descartes dès 1636 écrit le Discours de la méthodeen français –et non pas en latin comme c’était l’usage- pour se faire entendre du plus grand nombre et en particulier des femmes: « Commence avec Descartes […] la conviction qu’il faut adresser le discours philosophique aux femmes, que la conversation des femmes d’esprit est un mode d’approbation et de validation beaucoup plus important que tous les décrets des doctes » (Alain Badiou).

Les cours privés fleurissent et offrent aux dames avides de connaissances des cours de philosophie, d’anatomie, de physique, de chimie. 

En 1689, Fontenelle, dont l’œuvre annonce le siècle des Lumières publie son Entretien sur la pluralité des mondesen français et engage les femmes à se lancer dans l’étude des sciences.

 

Un espace mixte : « l’honnête liberté des hommes et des femmes »

 

0 Femmes en lutte saison

Il faut souligner que cette promiscuité qui assemblait des hommes et des femmes étaient propre à la France. Un habitué des salons note qu’à un concert chez le duc de Parme, en Italie, les femmes étaient assises, « comme au sermon » : « On était là dans un grand silence, [il y aurait eu] plus de plaisir dans l’assemblée si l’honnête liberté des hommes avec les femmes y eût mêlé quelque conversation ».

Claude Dulong raconte, dans L’amour au XVIIème siècle, le comportement des trois frères Arnauld, soldats en permission, habitués de l’hôtel de Rambouillet, qui au lieu de se délasser dans la boisson et le coït tarifé comme de bons forbans -ou après s’être diverti ?- se  précipitent dans la grande Chambre bleue que la comtesse a aménagé en pièce de réception pour participer aux gracieux plaisirs qu’ils apprécient. Et pourtant ce sont trois compères qu’unissent leur goût pour la débauche la plus gaillarde. 

La marquise et sa fille Julie leur proposent de jouer, comme ils en avaient l’habitude avec leurs amis une pièce à la mode. Eh bien, les trois frères étaient ravis et quand ils revinrent, ils avaient appris leurs rôles, ce qui n’était pas le cas de ces dames du salon bleu !

 

Un espace sentimental

 

1002864-Madeleine_de_Scudéry

On aime, dans le salon de Mlle de Scudéry en particulier, raffiner sur l’analyse psychologique et distinguer mille sortes d’amour, d’amitié, de soupirs, etc. On préfère l’amour à l’amant.

 Paul Pellisson aime Sapho (surnom que s’est donné Mlle de Scudéry). Celle-ci n’est pas indifférente mais impose néanmoins six mois d’attente à Pellisson, qui se plaint. Et Sapho lui explique qu’elle distingue entre ses nouveaux amis, ses amis particuliers et ses tendres amis. Pellisson lui demande alors s’il y a loin de Particulier à Tendre et si une bonne diligence peut le conduire en moins de six mois… 

Langage alambiqué, certes, bien éloigné d’un modernej’te plais, tu m’plais, où on s’ met ?,mais qui conduira à faire le roman psychologique classique tel La Princesse de Clèves. En attendant, à partir de ces répliques improvisées, Sapho va imaginer la carte de Tendre qui aura un succès durable, support d’un imaginaire complexe où l’amoureux doit éviter le lac d’Indifférence, passer par les étapes obligatoires que sont les villages de Soumission, Petits- Soins, etc. S’il est persévérant, l’amoureux arrive enfin à Tendre où son amie l’attend… pour quelle récompense ? on ne sait, mais le chemin au-delà mène à la Mer dangereuse et aux Terres inconnues, jolies dénominations qui indiquent l’espace de la sexualité censément inconnu des jeunes filles. 

 

tendre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un espace « féministe » : le sujet du  mariage

 À côté du salon de la marquise de Rambouillet, celui de Mlle de Scudéry se fait connaître par sa volonté d’épurer le langage, de retrouver une expression galante des sentiments amoureux mais aussi par des accents féministes que n’auraient pas reniés les suffragettes du XIXème siècle. Profitons-en pour revenir sur cette réputation de pruderie qui accompagne les précieuses, dont certaines tenaient pourtant sur l’amour des propos très libres[4].

 

Abraham Bosse Mari battant sa femme

En effet, les précieuses [5] haïssent le mariage qui, par la volonté des parents, les asservissent à un époux découvert le jour des noces et souvent bien plus âgé qu’elles. « L’amour peut aller au-delà du tombeau, mais il ne va guère au-delà du mariage », disait joliment Mlle de Scudéry. C’est pourquoi elles proposent le mariage à l’essai et l’union libre.

Et puisque la seule raison pour qu’un homme prenne femme, plutôt que de continuer à copuler deçà delà, c’est le désir d’avoir une descendance, elles demandent la rupture du mariage dès la naissance du premier enfant avec compensation financière pour la mère et garde

Abraham Bosse femme battant son mari de l’enfant par le père. 

Le succès des romans de Mlle de Scudéry, la multiplication des salons ne sont pas étrangers à la séparation des époux dont le nombre augmente au cours du siècle notamment dans la bourgeoisie. 

 

Comme on le verra dans l'épisode 3, certaines œuvres littéraires et la vie intellectuelle qui règne dans les salons vont vont apporter un air frais et nouveau. 

 

 

 

 


[1]Cette idée se trouve déjà un siècle plus tôt dans les Essais de Montaigne (du Pédantisme, Livre I, 24) : « « François, Duc de Bretaigne, fils de Jean cinquiesme, comme on luy parla de son mariage avec Isabeau, fille d'Escosse, et qu'on luy adjousta qu'elle avoit esté nourrie simplement et sans aucune instruction de Lettres, respondit qu'il l'en aymoit mieux, et qu'une femme estoit assez sçavante quand elle sçavoit mettre difference entre la chemise et le pourpoint de son mary »

[2]Claude Dulong, La Vie quotidienne des femmes au Grand siècle, Hachette, 1984.

[3]La nièce de Richelieu épouse à treize ans le duc d’Enghien. On s’aperçoit alors qu’elle ne sait pas lire. On l’expédie dans un couvent pour un apprentissage rapide pendant une campagne du mari.

[4]Hortense de Villedieu adresse en vers à son amant, des déclarations jugées torrides pour l'époque : « Je meurs entre les bras de mon fidèle amant. Et c’est dans cette mort que je trouve la vie » Université de Rouen. « La préciosité : mariage à l’essai, union libre »

[5]… ainsi nommées parce qu’elles donnaient du prix à ce qui n’en a pas nécessairement. Le langage est chargé de rendre agréable ou surprenant ce qui est banal ou laid. La préciosité se caractérise par "un effort vers la distinction" (René Bray).

 

Femmes en lutte

Suite:

Saison 1 Episode 3 XVIIème s. Romanciers à la plume gaillarde ... et sentimentale 

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