Ah bon, /4/ six mots tordus, deux kapos et un bain / 4

8 décembre 2023

Ah bon, ça, je savais pas sur Israël et la Palestine /4

« Les faits sont têtus », Lénine

Six mots tordus, deux kapos et un bain / 4

On passera vite sur « fascisme dans l’usage duquel Mussolini ni Franco ne se reconnaîtraient. Et qui ferait ricaner les colonels grecs ou Pinochet. Mais pas leurs victimes, emprisonnées, torturées, violées, exécutées. « Pendant des jours, on voyait des cadavres joncher les bords des routes ou flotter sur le fleuve Mapocho qui traverse Santiago. » (John Dinges, Les Années Condor, La Découverte, 2005, )

Aujourd’hui, le mot, largement utilisé par certains, désigne tous ceux qui pensent mal, de l’extrême-droite à la gauche communiste en passant par les sociaux-démocrates, les socialistes de tout poil, les centristes, etc.

Ghetto Le mot « ghetto », d’origine italienne apparaît dans le sens qui nous concerne en 1516 à Venise où le pouvoir interdit aux juifs de séjourner dans la ville et les oblige à occuper le terrain -délimité par une enceinte- d’une ancienne fonderie ( « ghetto » en italien). Il est précisé que « les Juifs habiteront tous regroupés dans l'ensemble des maisons situées au Ghetto, près de San Girolamo ; et, afin qu'ils ne circulent pas toute la nuit, nous décrétons que […] seront mis en place deux portes, lesquelles seront ouvertes à l'aube et fermées à minuit par quatre gardiens engagés à cet effet et appointés par les Juifs eux-mêmes au prix que notre collège estimera convenable.» (https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.sefaradinfo.org%2FHome%2Fhistoire-1%2Fhistoire-du-ghetto-de-venise#federation=archive.wikiwix.com&tab=url )

En bref, obligation,/ interdiction ; enceinte ; gardes. Telles sont les caractéristiques dont certains pensent qu’elles recouvrent parfaitement la situation actuelle de certaines communautés…

Rafle Le terme désigne une opération policière visant à arrêter un certain nombre de personnes pour les déférer devant un juge.

Ceci dit, la rafle n’est pas un mot innocent. Il faut être bien niais ou de très mauvaise foi pour ne pas savoir qu’il a désigné les rafles de juifs pendant l’occupation allemande et en particulier la rafle du Vel’ d’hiv’ de juillet 1942 qui vit 13 000 juifs internés au Vélodrome d’Hiver. Ils ne furent pas présentés à un juge. Ils ne furent pas reconduits à la frontière mais conduit en wagon plombés vers Auschwitz.

Réagissant à cet emploi tordu du mot, l’homme politique belge Alain Destexhe avait demandé qu’on se garde « des amalgames indécents »

(https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=https%3A%2F%2Ftwitter.com%2FDestexhe%2Fstatus%2F957246057666236418#federation=archive.wikiwix.com&tab=url)

Déportation Il paraît inutile de perdre du temps à redire ce qu’a été en Europe la déportation des juifs, tziganes, homosexuels, résistants…

Sauf peut-être pour informer les députés LFI Soudais et Simonnet qui ont accueilli en décembre 2022 à sa decsnte d’avion Salah Hamouri, qui venait d’être expulsé d’Israël après sa condamnation pour tentative d’assassinat. Et les deux députées de saluer leur héros dans des termes soigneusement choisis :

« Nous sommes venu.e.s accueillir Salah Hamouri à l'aéroport, après sa déportation orchestrée par Israël. Beaucoup d'émotions, mais la présence de tous les camarades réchauffait le cœur. »

Ainsi l’expulsion en France est semblable à la déportation et les deux kapos de service accueillent dans la joie le nouvel arrivant !

Ce serait presque drôle, si c’était un contre-sens involontaire (Soudais est prof de français et devrait connaître le sens des mots). Mais la langue LFI est rigoureusement calibrée.

Résistance D.anièle Obono, députée LFI de Paris, a affirmé à propos du Hamas « C’est un mouvement de résistance qui se définit comme tel », mardi, sur Sud Radio, ravivant les critiques contre les « insoumis », qui avaient déjà refusé de qualifier le groupe palestinien de « terroriste » après son attaque contre des civils. https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/daniele-obono-qualifie-le-hamas-de-mouvement-de-resistance-gerald-darmanin-saisit-la-justice-pour-apologie-du-terrorisme_6195084_823448.html

On notera la même intention de faire une OPA sauvage sur la Résistance et de voir dans tous les opposants aux démocraties occidentales, des héros de l’ombre. Ceux qui ne sont pas en accord total sont des ennemis. Et parmi ceux-ci, les plus méprisables sont les collabos. Voir article suivant.

Collaboration. « Tout le monde déteste Fabien Roussel ». La photo, partagée par Sophia Chikirou sur X (ex- Twitter) a ainsi été likée par un certain Jean-Luc Mélenchon. Toujours à la fête de l’Huma des militants Insoumis ont scandé « Fabien Roussel n’est pas notre camarade »... L’atmosphère était déjà électrique, elle tourne maintenant à la foudre : Sophia Chikirou a en effet franchi la ligne rouge en comparant Fabien Roussel à Jacques Doriot sur son compte Facebook, mercredi 20 septembre. Une publication relayée par Mélenchon qui a provoqué un tollé au PC »

(Jacques Doriot est l’archétype du collaborateur. C’est un communiste à l’origine, mais, séduit par le nazisme, il combattit sous l’uniforme nazi et mourut en Allemagne en 1944. L’homme fut exclu par le Parti communiste dès 1936 pour avoir pris position justement pour l’entente avec l’Allemagne nazie (à cette époque, l’Internationale communiste était viscéralement antifasciste et rien n’annonçait la conclusion, trois ans plus tard, du pacte germano-soviétique).

Utiliser cette comparaison, c’est donc traiter Fabien Roussel implicitement de collaborateur et d’allié du nazisme. C’est induire également l’idée que, du communisme au nazisme, le glissement d’un homme est facile. C’est bête, gratuit et tout simplement aussi injurieux qu’inacceptable.

https://www.causeur.fr/melenchon-chikirou-roussel-et-jacques-doriot-266761

Pogrom A l’origine, dit Larousse : « Attaque accompagnée de pillage et de meurtres perpétrés contre une communauté juive (d'abord dans l'Empire russe particulièrement en Pologne, en Ukraine et en Bessarabie entre 1881 et 1921). »

Le site d’un groupe anarchiste peu connu a le mérite de gonfler avec une gourmandise certaine de mots tordus son article sur l’expulsion de Mayotte de 3000 Comoriens : « Vaste opération de chasse aux pauvres et aux sans-papiers — rien moins que des rafles et déportations (dont le colonialisme français est familier) ! Et c’est un encouragement aux menées pogromistes d’une partie de la population mahoraise »

https://lanticapitaliste.org/actualite/antiracisme/mayotte-darmanin-rafle-et-deporte-en-masse

Une prose qui a le mérite d’être très compréhensible!

Pourquoi ce détournement ou ce pillage d’un vocabulaire chargé d’un poids historique que (presque) tout le monde respecte. Tentons deux ou trois pistes.

Donner à ceux qui l’utilisent une légitimité historique à bon compte. Dire, c’est faire et le moindre militant radical devient Jean Moulin -mort sous la torture- sans en payer le prix fort.

Légitimer la violence actuelle, qui serait identique à celle des Résistants contre les nazis… que ceux-ci nommaient d’ailleurs « terroristes ». Et le tour est joué. Deux mots, pas plus. Bravo, les artistes. Il suffit donc d’attendre la victoire finale et les mots auront changé de base, comme dirait la chanson.

Participer à la course victimaire et détrôner les juifs, qui , avec six millions de morts avaient subrepticement pris un temps d’avance. L’extrême-droite négationniste s’est depuis longtemps attelé à cette tâche. Elle est rejointe par une extrême-gauche soucieuse de remplacer les victimes historiques de l’holocauste (avec les tziganes, homosexuels…) par ceux qu’ils ont choisis : les migrants d’origine musulmane ou -quintessence idéologique du migrant- les palestiniens. Soudais (déjà évoquée plus haut) a été choisie par LFI pour être vice-présidente du groupe parlementaire chargé de l’étude de l’antisémitisme. Très bon choix puisque, pour évoquer l’antisémitisme elle reçoit trois représentants pro-palestiniens :

… et certains journalistes parlent toujours du « risque » d’importation du conflit en France, comme s’il n’était pas devenu un fait avéré depuis l’attentat de la rue Copernic en 1980 !

Génocide « Crime contre l'humanité tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux… » dit Larousse. Israël est depuis longtemps accusé de génocide envers les Palestiniens.

Que disent les chiffres de la population arabe résidant avant et après la création de l’état d’Israël ? seul un décompte du nombre de résidents pourra dire s’il y a eu un génocide.

Une rapide googlisation du sujet donne ce qui suit.

Article « Exode palestinien de 1948 » de Wikipedia : Il y avait environ 9OO OOO arabes vivant sur le territoire qui sera concédé à Israël en 1948. 700 à 750 000 ont quitté ce territoire après la proclamation de l’état d’Israël. Restent donc 150 à 200 000 palestiniens.

Article « Démographie de la Palestine » de Wikipedia. Pour 2020, le PCBS (Palestinian Central Bureau of statistics) compte 2 047 000 habitants à Gaza ; 3 053 000 en Cisjordanie. https://www.pcbs.gov.ps/site/881/default.aspx#Population

Chiffres différents mais du même ordre de grandeur pour les statistiques fournies par l’ONU pour 2017 : Gaza, 1 899 000 ; Cisjordanie et Jérusalem-Est, 2 881 000.

On peut aussi consulter https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2009-3-page-59.htm : « Israël et la Palestine : démographie et identité de deux nations »

Chiffres en main, chacun conclura sur le génocide perpétré entre 1948 et 2020…

Ceci dit, un mot sur un génocide programmé par cette injonction projetée, sans perdre de temps, dès le soir du 7 octobre, sur le mur de la bibliothèque par les étudiants de l’université Georges Washington, à New-York.

Elle a le mérite d’être claire. « Libérez la Palestine de la rivière [le Jourdain] à la mer rappelle aux amateurs éclairés un slogan célèbre dès l’époque d’Arafat : « jetons les juifs à la mer ».