L’individu et sa liberté

Moi, les autres, moi, l’autorité et MOI

EPISODE 2

« Qu’est-ce qu’elle a, ma gueule ? » (Johnny Halliday)

La représentation de l'individu ne va pas de soi. Elle est pour le judaïsme et l'islam incompatible avec la foi. Seul Dieu a le pouvoir de créer des êtres qui lui ressemblent. Le christianisme byzantin a connu une période dite iconoclaste (VIIIème s.) au cours de laquelle des chrétiens se sont violemment oppsosés. Les uns brisant des statues du Christ et des saints, d'autres, les iconodules ( pas facile à caser dans une soirée) essayant de les en empêcher.

La représentation des individus varie au cours des siècles. Pour une grande partie, il s’agit de personnages importants, grands prêtres, rois…

Parfois, ils n’ont aucun trait distinctifs, seule importe la fonction qu’ils représentent, pouvoir royal ou religieux.

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Tantôt, ils sont représentés avec des caractéristiques que l’on suppose semblables à la réalité, tel Le pharaon Akhenaton et son visange très allongé.

Les Romains avaient acquis un savoir-faire réaliste de qualité comme en témoignent les fresques de Pompéi (-79 avant notre ère), ou encore aux Ier-IVème s. les portraits du Fayoum, dans l’Egypte romanisée.

Ces portraits, saisissants de vie sont placés sur la momie du défunt, à l’emplacement du visage, peints du vivant de celui-ci, parfois bien avant l’âge de la vieillesse.

Par contre, les portraits byzantins paraissent idéalisés et figés pour l’éternité. La pensée chrétienne privilégie, en effet, l’essence des choses telles que Dieu les a créées plutôt que la mouvance du vivant.

De même, les visages au Moyen-Age ont souvent des traits stéréotypés, tels ceux-ci appartenant à une scène de la tapisserie de Bayeux ( fin XIème s.).

MOI, je meurs, MOI !

Peu à peu émerge au Moyen-Age l’idée que l’individu qui meurt n’est pas seulement un croyant parmi une multitude d’autres qui va retrouver son créateur, mais un être individuel, unique.

L’historien Philippe Ariès a montré dans son Histoire de la mort en Occident, comment la mort devient peu à peu un phénomène personnel, dans la « société instruite ». En effet, jusqu’au XIIème s., la mort relève d’une « conception collective de la destinée […] L’homme était profondément et immédiatement socialisé ». Il était lié à la nature et acceptait l’ordre des choses.

Il n’est pas facile de savoir ce que pensait un individu proche de la mort. Ph. Ariès analyse la représentation du Jugement dernier dans les tableaux et la sculpture. Il constate que, jusqu’au XIIème s., le Jugement dernier qui intervient à la fin des temps est représenté par une foule de gens, de tous les siècles,morts chrétiennement, qui lèvent les bras vers le Ciel, alors que les autres, sont abandonnés dans la mort. « Il n’y a pas de place, dans cette conception, pour une responsabilité individuelle, pour un comptage des bonnes et des mauvaises actions »

A partir du XIIème s., le Jugement se déplace à la mort de chaque individu : « le destin collectif de l’espèce s’est perdu pour laisser place au « souci de la particularité de chaque individu ». Des gravures montrent le mourant dans son lit, entouré des siens. D’un côté du lit, la Vierge, le Saint-Esprit… sont présents de l’autre côté, Satan. Enfer ou Paradis ? A ce moment va se jouer le sort du mourant, « une relation de plus en plus étroite s’établit entre la mort et la biographie de chaque vie particulière ».

Traversons gaillardement les siècles…

C’est papa qui m’a forcé !

Le Cid de Corneille (1636) se fait l’écho de ce type de rapports familiaux qui soumet le plus jeune au chef de la famille. Don Diègue, père de Rodrigue, a été humilié par Don Gormas, père de Chimène, fiancée à Rodrigue. Don Diègue, trop vieux pour mener un duel demande à son fils, malgré son jeune âge et son inexpérience (il n’a jamais combattu) de provoquer son adversaire. Ses arguments sont irréfutables, dans le contexte de l’époque : « … Venge-moi, venge-toi/ Montre-toi digne fils d’un père tel que moi » (I,4).

Quant à l’amour que Rodrigue éprouve envers Chimène, il ne pèse pas bien lourd face à l’honneur de la famille. En effet, si Rodrigue est vainqueur, Chimène ne manquera pas de haïr le meurtrier de son père.

Don Diègue, après la victoire de son fils, balaiera le problème d’un revers de main en lui conseillant de changer de fiancée : « Nous n’avons qu’un honneur, il est tant de maîtresses ! » (III,5)

Ca se complique ! Moi, comme les autres

C’est sans doute entre le XVème siècle (Renaissance italienne) et la fin du XVIIIème s. que la pensée d’un individu autonome se développe vigoureusement. En témoignent la multiplication des portraits individuels. Les Italiens -Piero della Francesca (Portraits du duc et de la duchesse d’Urbino (vers 1470) - comme les Flamands (Jan van Eyck ), tout comme l’apparition d’autoportraits réalistes comme celui d’Albrecht Dürer (1500).

Trois moments.

La peinture de l’individualité n’est pas nécessairement une séparation entre les hommes. Chacun peut se recnnaître dans un "guide".

Montaigne fait de lui-même la matière de ses Essais, publiés à partir de 1580. Il propose un dialogue avec les auteurs de l’Antiquité, et se livre aussi à nu, évoquant ses maladies, ses désirs…

Ce portrait, pour unique qu’il soit, affirme aussi l’égale dignité de tous les hommes car « chaque homme porte la forme entière, de l'humaine condition » (Essais, III,12) et chacun peut se reconnaître dans tel ou tel aspect de la personnalité de l’auteur.

De même, Descartes (Discours de la méthode, 1637) constate que tous les savoirs peuvent contenir des éléments dont on peut douter, de même que le rêve peut parfois apparaître aussi sûr que la réalité.

Seule une certitude ne peut être remise en question : au moment même où je doute, je ne peux douter que j’exerce ma raison, et que pour l’exercer, il me faut être : « Cogito ergo sum » (« Je pense donc je suis »).

Ce « je » irréfutable fondé sur l’expérience individuelle est généralisable à tous les individus. Comme le « je » de Montaigne, celui de Descartes est aussi celui de tout être humain.

Dans la première partie du XVIIème s., le héros baroque a une dimension différente.

On a vu Rodrigue soumis à la loi familiale, mais il avait aussi une immense confiance en lui, que rien ne permettait de justifier, puisqu’il ne s’était jamais battu en duel. Cette confiance en soi le distingue de tous les autres en fait un type de héros que l'on retrouve chez d’autres personnages cornéliens, sur le mode comique : Matamore (L’Illusion comique) ou Dorante (Le Menteur). Les héros des Trois Mousquetaires de Dumas ou encore Cyrano de Bergerac illustrent bien ce caractère si bien représenté que Richelieu dut interdire les duels incessants qui décimaient la noblesse -futurs cadres militaires.

Les moralistes du XVIIème siècle ne vont pas tarder à réduire l’orgueil du héros et mettre en évidence son aveuglement ou son égoïsme et procéder selon le mot de Paul Bénichou (Morales du Grand siècle) à la « démolition du héros ». Les hommes sont mauvais par nature. C’est parce qu’il se méconnaît que le héros prétend échapper au lot commun.

La Rochefoucauld (Maximes), au nom de la vérité psychologique met à jour l’ambition débridée, le goût du pouvoir, l’égoïsme en un mot de chaque individu : « La durée de nos passions ne dépend pas plus de nous que la durée de notre vie » ; « Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui ».

Pascal (Pensées ) soulignera les vaines tentatives des hommes pour s’étourdir en divertissements ( argent, pouvoir, chasse, guerre, amour…) afin d’éviter de penser au terme inéluctable : la mort Puisqu’il nous éloigne de Dieu, « Le moi est haïssable ».

A SUIVRE : Episode 3

Enfin, MOI ! Tout seul !

… mais il faut partager…

Et parfois, il n’y a plus rien à partager !

L'usage des femmes...

MOI, je suis ému !

L'individu Episode 2

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