Antisémite de droite ou antisémite de gauche : comment choisir ?

Gérard Miller, naguère psychanalyste, aujourd’hui militant LFI s’interroge sur la perte de « boussole morale » qui caractériserait les Français juifs. On verra que, pour sa part, il ne perd pas le nord politique.

( Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/11/gerard-miller-jamais-un-aussi-grand-nombre-de-juifs-francais-n-ont-perdu-a-ce-point-leur-boussole-morale_6188796_3232.html#:~:text=Gérard%20Miller%20%3A%20«%20Jamais%20un%20aussi,ce%20point%20leur%20boussole%20morale%20» )

La tribune s’articule en plusieurs temps.

Le premier prend la forme d’une longue anaphore, « j’appartiens à une génération de juifs… » célébrant l’ego de l’auteur qui a toujours été en accord avec les juifs de gauche.

Elle se termine par ce constat que cette unité des juifs de France est aujourd’hui brisée par « un incroyable tour de passe-passe » qui provoque l’adhésion de certains électeurs juifs à Marine Le Pen et Eric Zemmour.

C’est là l’essentiel du propos et sa raison d’être. Il s’agit de récupérer les votes de ces électeurs qui risquent de faire défaut à la prochaine présidentielle. Evidemment, les mots « élection » et électeur » n’apparaissent pas dans cette tribune placée d’emblée sous le signe de la morale la plus haute et de l’objectivité.

La seconde partie évoque trois cas dispersés dans le temps et l’espace : Dreyfus, Pétain et la perception de la Shoah. Ce détour permet d’évoquer les prises de position (erratiques, certes) de Zemmour et de fustiger les juifs qui le suivent. Le troisième bottage en touche nous mène à 3 000 km, en Israël où les ultras israéliens affirment que la Shoah, « ce n’est pas leur histoire ». Rappelons, en passant, que c’est exactement ce que disent les Indigènes de la République, qui ; eux s’expriment en France, sans susciter l’indignation de Miller et de ses amis . Mais l’essentiel était d’éviter soigneusement d’évoquer l’antisémitisme ici et maintenant. Ainsi « deux judéités irréconcilibles » s’affrontent assure Miller, qui reprend curieusement la formule de Manu Valls sur les « gauches irréconciliables ». Enfin, arrivé en bout de course, Miller est bien obligé de revenir au présent sous la forme d’une concession « je sais bien que… » où il cite, sans s’attarder, Sarah Halimi, l’Hyper Casher, etc. Il sait bien que tout le monde a à se plaindre du «terrorisme islamiste ». Fin de ce moment expéditif d’empathie.

Le temps de la conclusion est venu affirme alors Miller. Elle est simple, « les juifs d’extrême droite mettent en danger l’ensemble de la nation ». Les coupables sont les juifs français qui suivent Le Pen et Zemmour. Ils sont victimes de la « onzième plaie d’Egypte, l’amnésie » dixit le nouveau prophète. Beau travail militant. Les juifs sont responsables du fascisme qui s’avance. Miller puise aux meilleures sources d’inspiration. Mélenchon avait accusé les juifs de France et le CRIF d’avoir contribué à la défaite électorale de Jérémy Corbyn -en Grande-Bretagne !!!!-. ( https://www.la-croix.com/France/Politique/defendre-Corbyn-Melenchon-attaque-Crif-2019-12-15-1201066611 ) « Cet abîme ne ressemblera évidemment pas à ce que nos ascendants ont connu, mais, soyez-en certains, vous y aurez contribué ». Le prophète militant a lancé sa condamnation qui marche du même pas de l’oie que la damnation lancée contre les juifs depuis des siècles. A aucun moment, Miller ne s’interroge sur les causes qui pousseraient les Français juifs à abandonner la gauche qu’ils jugent peut-être mollassonne dans sa condamnation de l’antisémitisme quand il ne vient pas de l’extrême droite. Jamais il n’évoque la base idéologique qui pousse les auteurs de ces exactions. Ne pas examiner les causes d’une situation, se contenter de voir un "incroyable tour de passe-passe" : on ne saurait mieux mettre en évidence les œillères de l’idéologue dont la conviction tient lieu de réalité. On se demande, en lisant Miller, si on n’a pas là des éléments de langage justifiant l’antisémitisme, et destinés aux candidats LFI lors des prochaines élections. Ils pourront brosser dans le sens du poil un électorat déjà acquis à leur cause.

En vérité, le seul souci est de savoir quel sera, en 2027, le président le moins mortel : un antisémite de droite ou un antisémite de gauche ?

Texte et sous-texte. Ajoutons, juste pour dire, qu’il attribue à des juifs orthodoxes israéliens opposés aux juifs d’Europe, trop libéraux, cette formule : : « Retournez en Allemagne ou en Pologne, et reprenez le train ! » qui ressemble furieusement à ce qu’aurait dit un cadre cégétiste à Zemmour dans le train qui le menait à Limoges : « Tu prends le train pour Auschwitz? » (Le Parisien 22 juin 2023)

Antisémite de droite ou antisémite de gauche

Partager cet article