La peur du fascisme, c’est déjà le fascisme ! (slogan soixante-huitard)

Coluche, reviens, ils sont fous !

Le 19 janvier 2020, Le Monde publie sur sa newsletter un dessin humoristique de Xavier Gorce ( dessinateur depuis dix-huit dans ce quotidien). Rapidement, les réseaux sociaux s’enflamment.

On reproche à X. Gorce de se moquer des transgenres et de faire rire des victimes de l’inceste.

Le réel est dans la perception de l’offensé.

Sans perdre un instant, le lendemain, le directeur du Monde fait ses excuses à tous ceux ( pardon : à celles et ceux …) qui ont pu se sentir blessés. Au cours d’un exercice de corde raide, dans un paragraphe tortueux, il affirme la liberté de la presse, constituée par celle des journalistes mais aussi par la liberté des journaux qui ont la possibilité de publier ou pas un article. r

(On notera, sans insister, que la liberté des uns peut ne pas être celle des autres.)

Et comme le dessin a été publié, il s’en excuse, puisque c’était une erreur.

Et c’était une erreur, non pas en soi, mais parce que ce dessin « pouvait être lu comme une relativisation de la gravité des faits d’inceste». En d’autres termes, la vérité d’un dessin, d’un article ne réside pas dans ce qu’il est, mais dans la façon dont il est apprécié.

On ne saurait mieux justifier les offensives des réseaux sociaux. Il suffit d’exprimer son indignation pour avoir raison. Et Xavier Gorce, face à l’attitude de sa direction a donné immédiatement sa démisssion.

Comme on va le voir, il y a deux sortes de dessins et de dessinateurs, bien représentés par Plantu et Riss, escapé de l’attentat de Charlie-Hebdo.

Plantu – qui n’est pas un fervent défenseur de Charlie-Hebdo- et Riss, r, ont participé à un colloque après l'attentat contre Charlie. « Pour Plantu, un caricaturiste doit prendre en compte le « ressenti » de ceux qui peuvent se sentir visés par un dessin. Du tac au tac, Riss lui a répondu qu’un « ressenti est totalement arbitraire » : « Moi aussi, j’ai un ressenti. Ce n’est pas pour cela que je vais l’imposer aux autres ».

On sait que pour éviter la hargne des réseaux et des mal-comprenants de l’humour, le New York Times a décidé depuis un an de ne plus publier de dessins humoristiques.

Et pour ne plus avoir d'ennuis, Le Monde va mettre en place un nouveau"circuit de validation", d'après Le Monde du 22 janvier :" le dessinateur [devra] livrer son dessin dans la journée précédant sa publication. L’objectif [est] de pouvoir croiser les points de vue sur le dessin et d’éviter ainsi d’éventuels problèmes de compréhension de ce dernier".

Ce conseil de surveillance est déjà utilisé aux USA. Sur le NewYork Times et le désir de ne pas faire de vagues, le « woke » et les « sensitivity readers »- nouveaux censeurs chargés d’éviter des procès- on peut lire « Journalisme : naufrage en quatre avaries "

Sur la toute-puissance du ressenti et la délation orchestrée, on peut aussi voir l’article « Rééducation, délation : Inquisition et Gardes rouges »

La peur du fascisme -quelle que soit sa nature- s'installe bel et bien.

L’humour à mort

Ainsi, l’humour est réduit à la platitude et se calera sur les blagounettes Carambar.

( on lira avec profit l’humour de demain sur le site des Vingt pires blagues de Carambar

Le second degré est sans doute devenu facteur d’offense pour ceux qui en sont dépourvus. On rappellera donc ceci :

« Humour : Forme d'esprit railleuse qui attire l'attention, avec détachement, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité.

Humour noir : Humour qui se manifeste à propos d'une situation, d'une manifestation grave, désespérée, ou macabre ». < TLF

Il faut préciser, à propos d’humour noir, qu’il n’est aucunement question de se moquer de personnes racisées.

Au cours de la réunion dont on a parlé, Plantu, qui a l’habitude de présenter le dessin de presse auprès des élèves, demande à Riss, « - Il t’arrive d’aller dans les écoles ?

- Assez peu, répond Riss, qui vit depuis l’attentat sous protection policière rapprochée.

- Tu devrais venir aussi avec moi parler de ton métier dans le monde musulman,

- Oui, oui… Et si je ne reviens pas ?, a soupiré Riss » < Le Monde

Rires dans l’assistance.

Humour noir.

Vision d'avenir: Plantu prend bientôt sa retraite. Le Monde a décidé de le remplacer par les dessinateurs du mouvement Cartooning for peace qu'il a fondé. Ca donne la tonalité.

Recentrage ...

…avec l’association Face à l’inceste, fondée par Isabelle Aubry : « Ne nous trompons pas de cible. Le cœur du problème c’est la lutte contre la loi du silence qui entoure l'#inceste et l’impunité judiciaire pour les agresseurs. Ce n’est pas un dessin de presse. La censure est rarement une bonne idée ! < Libération.

« Le rire est une défense, précise X. Gorce, une critique, jamais une moquerie ou une humiliation […] si on ne doit plus rire des situations douloureuses, je ne vois pas de quoi on va pouvoir rire dans les dessins de presse des années à venir ! <Libération

Annexes

- le mot de François Morel (22 janvier 2020):

« Quand on travaille dans un journal, on a un rédacteur en chef qui, avant de publier, valide l’article, le dessin, ou refuse de le publier. Ce n’est pas de la censure. Ça s’appelle une ligne éditoriale.

Que Le Monde s’excuse publiquement d’un dessin de Xavier Gorce sans même contacter le dessinateur me paraît indéfendable. Que le dessin de Xavier Gorce ne soit pas son meilleur, c’est possible. Que Xavier Gorce n’ait pas réussi à joindre la nuance à un dessin d’humour ne fait sûrement pas de lui un abjecte défenseur de la pédophilie, méprisant les victimes, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux par la cohorte des vengeurs masqués, des justiciers sans foi ni loi, bavant de haine.

J’ai laissé toute la place ce matin à la nuance. L’humour n’est pas loin. Il vous embrasse".

- Pour s’assouplir l'esprit, écouter la chronique de François Morel du 15 janvier sur la pédophilie. Humour 2ème, 3ème degré garanti !

La peur du fascisme, c’est déjà le fascisme !

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